Résumé : Narimène se réveille à l'aube avec une irrésistible envie de parler à quelqu'un. Qui pourra donc l'écouter à cette heure-ci ? Elle s'assoit alors devant son pupitre et aligne vers sur vers, puis laisse le poème trôner sur son pupitre. Elle se lève pour le prendre et le relire. Comment avait-elle pu écrire de telles idioties ?, se demande-t-elle en s'apprêtant à froisser ses feuillets. Elle change d'avis et les redépose sur sa table de chevet. Peut-être qu'elle les relira pour Racim. Pourquoi pas ? Toutefois s'il la rappelle et consente à lui accorder assez de temps pour ça. Elle soupire. Ne va-t-elle jamais connaître la sérénité dans ce monde ? Un coup frappé à sa porte la tire de sa mélancolie. Noria, sa mère, affiche son plus beau sourire pour s'approcher d'elle et demander : -Alors ? On s'enferme dans sa chambre ? On préfère la solitude à sa propre mère ? Narimène tente de se justifier, mais sa mère n'en lui laissera pas le temps. -Racim t'a-t-il appelée ?, poursuit-elle en lui faisant un clin d'œil. -Oui. Hier soir. -Petite cachotière. Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? -Pour la simple raison qu'il n'y a rien à dire. Noria fronce les sourcils. -Comment cela ? Cet homme t'appelle, vous discutez, et tu ne trouves rien à dire ? Narimène hausse les épaules. -Ils sont tous pareils. Ils veulent tous des aventures. Noria lui lance un regard interrogateur. -Il t'a proposé une sortie ? -Bien sûr. Il trouve que les conversations téléphoniques ne sont pas le meilleur moyen pour faire connaissance. Noria sourit en lui tapotant l'épaule. -Et alors ? Où est le mal ? Ne trouves-tu pas qu'il est grand temps pour toi de songer à sortir de ta case et à revivre ? -Je ne sais pas si cet homme veut une relation durable ou une aventure, maman. -Tu ne le sauras jamais si tu t'entêtes à refuser sa proposition. -Tu veux donc que j'accepte de déjeuner avec lui, alors que je ne l'ai rencontré qu'une seule fois ? -C'est l'époque qui le veut, Narimène, tu ne peux pas échapper aux exigences des temps modernes. -J'ai déjà vécu une amère expérience et je ne veux pas encore piquer du nez et retomber dans le piège de la déception. Noria lui entoure les épaules. -Je ne souhaiterais pour rien au monde te voir revivre les erreurs du passé. Toutefois, il est grand temps pour toi de penser sérieusement à ton avenir. Racim n'est pas Zoubir. Il paraît plus sage et plus sensé. C'est un homme qui a su relever le défi et récupérer une entreprise familiale en faillite. Un homme tel que lui n'a pas le temps de courir les jupons ou de séduire des femmes comme toi. Narimène hoche la tête. -C'est l'impression qui se dégage de lui au premier abord. Mais les apparences sont trompeuses. -Raison de plus pour le découvrir davantage. Tu sauras alors et au plus tôt à qui avoir affaire. Elle se lève et porte une main à son front. -Aïe ! Encore ces migraines qui me gâchent la vie. Ma fille, je ne suis plus de la prime jeunesse, et ton père non plus. Nous n'aimerions pas quitter ce monde en te laissant seule. Réfléchis donc à ton avenir et laisse-nous partir en paix. Narimène ne répond pas. Sa mère quitte les lieux. Sa fille aînée lui donnait du fil à retordre. Elle craignait tant de voir ressurgir les démons du passé ! Il était vingt et une heure. Racim referme le lourd dossier sur lequel il travaillait depuis le début de l'après-midi. Il passe une main sur sa nuque douloureuse et fait quelques mouvements pour se détendre le cou. Le craquement des vertèbres cervicales le rappelèrent à l'ordre. Il travaillait trop et négligeait même sa santé et son bien-être. Il avait promis à son médecin de suivre ses conseils et de s'inscrire dans une salle d'aérobic. Mais jusque-là, il n'avait rien fait, et son dos endolori le suppliait d'avoir pitié de lui. Il se lève et fait quelques pas en s'étirant. Ses muscles se délient un peu. Il prend son énième cigarette de la journée et l'allume. Aussitôt un nuage de fumée se forme devant ses yeux. Sa mère lui reproche de fumer comme une cheminée. Il devrait penser sérieusement à sa santé. Les conseils réitérés mille et une fois ne semblent pourtant pas atteindre leur objectif. Il tire encore sur sa cigarette avant d'aller se rasseoir derrière son bureau. Va-t-il appeler Narimène ce soir ou la faire languir ? Il fronce les sourcils. Pourquoi ne l'appelait-elle pas elle-même ? Il se ravise et ébauche un sourire. C'était lui qui avait proposé de l'appeler. Il se rappelle leur conversation de la veille. Elle n'avait pas semblé réticente à ses questions, mais lorsqu'il lui avait proposé ce déjeuner, elle avait hésité à lui donner son consentement. (À suivre) Y. H.