La nouvelle convention d'entraide judiciaire dans le domaine pénal qui a été signée mercredi dernier à Paris par le ministre de la Justice Tayeb Louh et son homologue français Jean-Jacques Urvoas, comprend une disposition de taille en matière d'échange d'informations entre les juridictions des deux pays. Selon une source du ministère français de la Justice, cette clause prévoit que chaque pays informe immédiatement l'autre de toute procédure pénale ouverte sur son territoire qui pourrait engager la responsabilité d'un ressortissant de l'autre pays. Si, par exemple, un ressortissant algérien est visé par une plainte en France pour des faits commis en Algérie, ce pays est en devoir de mettre au courant l'Etat algérien aussitôt. Cette clause est sans rappeler le contenu de la même convention signée avec le Maroc et approuvé par l'Assemblée nationale française en juin dernier. Un protocole additionnel oblige les autorités françaises à notifier au Maroc toute procédure initiée en France pour des faits commis au Maroc, dès lors qu'un ressortissant marocain est susceptible d'être impliqué. Cet engagement pris par l'Etat français a suscité la réprobation des ONG des droits de l'Homme comme Amnesty International et Human Right Watch, qui ont dénoncé une violation flagrante du secret de l'instruction et une atteinte à l'indépendance de la justice. Ces organisations ont soupçonné le Maroc de vouloir utiliser ce droit à l'information pour protéger des responsables de l'Etat susceptibles d'être cités dans d'éventuels crimes, en manœuvrant pour empêcher les procédures d'aboutir, notamment, à travers l'intimidation des plaignants ou des témoins. Une affaire de ce genre est d'ailleurs à l'origine de la nouvelle entente judiciaire franco-marocaine. Elle implique le patron des services de renseignements marocains, convoqué par un juge en France en 2014, pour des faits de torture sur un ressortissant marocain. Rabat avait vivement réagi en suspendant sa coopération judiciaire avec la France. Ce qui a obligé cette dernière à faire son mea-culpa, en empiétant sur les prérogatives de ses propres magistrats, contraints désormais de se dessaisir au profit de leurs collègues marocains. Dans le cas de l'Algérie, on ne sait pas précisément si les termes de la nouvelles convention d'entraide judiciaire avec la France vont jusque-là. Une chose est sûre, en alertant l'Etat algérien de poursuites éventuelles contre ses responsables, la France lui permet de réagir à temps pour les prémunir. Jusque-là, la quasi-totalité des actions en justice intentées en France contre des représentants de l'Etat algérien sont en lien avec les évènements de la décennie noire. Elles ont ciblé des responsables de l'armée, dont le général à la retraite Khaled Nezzar. C'est en avril dernier, lors de la visite du Premier ministre, Manuel Valls, à Alger, que les deux Etats se sont engagés à revoir le contenu de la convention d'entraide judiciaire dans le domaine pénal qui date de 1962. La nouvelle mouture paraphée par les gardes des Sceaux des deux pays doit néanmoins obtenir l'approbation des parlementaires. Il est à noter qu'une nouvelle convention d'extradition doit être également signée. "Les négociations sont toujours en cours", confirme la chancellerie française en ajoutant que cette ratification interviendra dans le cadre de la révision globale des traités judiciaires entre l'Algérie et la France. S. L.-K.