La "proposition" du président de la République de désigner Abdelwahab Derbal à la tête de la Haute instance de surveillance des élections n'a pas suscité grand intérêt chez l'opposition. C'est plutôt avec froideur que les quelques partis politiques contactés ont accueilli cette annonce. Au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), on considère que "pour mettre fin à la fraude électorale, il faut confier tout le processus de l'organisation des élections à une instance indépendante et permanente ; l'administration n'a qu'un rôle logistique pour pourvoir cette entité en moyens. C'est à cette instance de réviser le fichier électoral et ensuite de définir et de mettre en place les instruments de contrôle et de surveillance, ainsi que les modalités du dépouillement. Il lui appartient à elle seule d'annoncer les résultats et de traiter les recours". Le secrétaire national à la communication du RCD, M. Mazouz, insiste sur l'Instance elle-même et considère que "sa composante et sa gestion doivent réunir des compétences techniques à côté de personnalités nationales de grande intégrité morale et au moins faire consensus entre les partis politiques". À partir du moment où, souligne-t-il, "la commission de surveillance mise en place unilatéralement par le pouvoir n'a ni un caractère indépendant ni les prérogatives requises pour garantir la transparence et la loyauté du scrutin, la désignation de son président ou de ses membres est parfaitement secondaire". De plus, ajoute-t-il, "ils n'ont de toute façon pas les moyens de contrôle et de surveillance, même s'ils en ont la volonté". Ainsi, M. Mazouz pense que "la manière dont a procédé le pouvoir ne peut répondre aux attentes de l'écrasante majorité de la classe politique ni au minimum des standards appliqués dans les systèmes démocratiques où l'observation et la gestion des élections constituent un dispositif déterminant de la confiance des citoyens dans l'organisation des processus électoraux". De son côté, le Mouvement pour la société et pour la paix (MSP) refuse également de commenter le "choix" d'Abdelwahab Derbal à la tête de cette instance. Abderrezak Makri, le président du MSP, explique que son parti n'a aucun avis, encore moins un doute à émettre sur la personne de l'ancien cadre d'Ennahda. "La question ne se pose pas au niveau des personnes, mais plutôt dans la nature de l'instance elle-même, ses statuts et ses prérogatives", a-t-il indiqué dans une déclaration rendue publique sur son compte facebook. M. Makri a souligné que son parti a eu déjà à exprimer "son refus par rapport à cette Instance", et qu'il s'agit, dans ce cas, "de procédés vieux et ennuyeux". Il fait d'ailleurs remarquer que déjà par le passé, le pouvoir "choisissait des personnalités historiques et crédibles pour ce genre de missions afin de camoufler ses plans préparés à l'avance". Ce qui, à ses yeux, a contribué à "détruire la crédibilité" de ces personnalités "en les impliquant dans la défense de la fraude". Le président du MSP va encore plus loin et pense que "la vieille caisse s'est vidée de ce genre de personnalités et on commence à utiliser de nouvelles personnalités pour le même objectif". Et, au-delà même de l'Instance, Abderrezak Makri considère que "la seule chose qui peut empêcher la fraude est que le pouvoir, avec tous ses relais, décide de ne pas frauder". Pour sa part, le Parti des travailleurs a rappelé qu'il avait eu à émettre des réserves sur cette structure, sa composante et son fonctionnement. "Nous avons eu à exprimer notre position lors de la présentation du texte de loi à l'APN. On n'a pas de problèmes avec les personnes. Au-delà de l'homme, la personne proposée n'est pas indépendante. Il a une idéologie et une appartenance et des penchants partisans. La lettre de la Présidence est venue nous mettre devant le fait accompli", a indiqué Djelloul Djoudi, porte-parole du PT. Mehdi Mehenni