À voir Sidi-Saïd poser tout sourire devant les photographes au sortir de la tripartite, on croirait qu'il venait d'accomplir une révolution sociale. Pourtant, tout comme en octobre dernier, la tripartite a enterré toutes les revendications des salariés. Certains points de l'ordre du jour n'ont même pas été discutés. Confiées à un groupe de travail tripartite, ces questions patienteront jusqu'à l'automne pour être à nouveau évoquées avec le fameux pacte économique et social. Le patronat n'a pas, lui non plus, à pavoiser. La rencontre lui a servi à enregistrer le retour prochain à “la norme universelle” en matière de financement des allocations familiales. En fait, le résultat consolidé de cette rencontre dévoile l'inadéquation de l'institution “tripartite” pour le traitement des problèmes sociaux des travailleurs. La réalité de l'emploi et la situation syndicale des travailleurs sont telles que l'UGTA n'a pas de représentation à faire valoir face au patronat privé. Les collectifs globalement restreints, la faiblesse de la protection légale et prud'homale et l'avantage comparatif des salaires par rapport à la référence du secteur public contrecarrent la syndicalisation des employés du privé. La relative représentativité du personnel de la fonction publique et du secteur économique d'Etat est assurée par l'existence de “directions” syndicales rentières dans plusieurs secteurs et par l'usage immodéré des procès en référé contre les syndicats autonomes. Il est difficile d'afficher une attitude revendicative quand on doit son existence même à une intelligence politique entre pouvoir et syndicat “officiel”. Le président de la république, lui-même, a intervenu, en dépit d'une liberté syndicale constitutionnelle pour imposer l'exclusivité UGTA. Cet acharnement thérapeutique, que le pouvoir exerce sur l'ancien syndicat unique vise la pérennité seule de la centrale. À la bienveillance du pouvoir répond le laxisme du syndicat, dans une espèce de pacte “passivité contre survie” ! Ce n'est pas dans une telle position que les intérêts des travailleurs seront le mieux défendus. Si le patronat public est absent de la tripartite, s'il n'y a pas de représentativité à opposer au patronat privé et s'il n'y a donc rien à leur exiger, il ne reste, en matière sociale, qu'un tête-à-tête UGTA-gouvernement. La notion de tripartite perd alors son sens. Si la“tripartite” traite des questions de fiscalité d'entreprise ou de foncier avec les patrons privés, sans que l'UGTA se positionne — même pas sur la question des allocations familiales —, cela revient à un tête-à-tête gouvernement-patronat. Deux “bipartites en une”, ça ne fait pas une tripartite. Si en plus, elle suppose invariablement un marathon de discussions, une épreuve physique et nerveuse de vingt-deux heures, on peut soupçonner que l'occasion sert plutôt à noyer les questions dans un forum interminable et un riche ordre du jour qu'à les régler. L'institution de la tripartite vire à la croisière économico-sociale. Il est peut-être temps de s'interroger sur son utilité. M. H.