Au lendemain du retour en Italie de la journaliste Giuliana Sgrena, retenue en otage pendant un mois en Irak, la colère monte à Rome, après la mort de l'agent des services secrets italiens, Nicola Calipari, tué en protégeant la journaliste. Le corps de l'agent abattu par les forces amies a été rapatrié dans la nuit de samedi à dimanche. Il aura droit à des funérailles d'Etat. Peu de temps après son arrivée, Giuliana Sgrena, blessée dans l'attaque, a rejeté un communiqué de l'armée américaine déclarant que ses marines avaient tiré sur les Italiens, parce que leur voiture roulait à très vive allure vers un poste de contrôle. Le président du Conseil italien Silvio Berlusconi, ainsi que plusieurs ministres, exigent une enquête sérieuse, avec des explications logiques concernant la bavure de vendredi dernier. Pour sa part, le ministre italien des Relations parlementaires, Carlo Giovanardi, a déclaré, samedi à la télévision publique, qu'il ne croyait pas à la version américaine des événements. “Giuliana avait des informations et les militaires américains ne voulaient pas qu'elle s'en sorte vivante”, a affirmé son rédacteur. Il est à signaler que l'envoyée spéciale du quotidien de gauche Il Manifesto, Giuliana Sgrena, 56 ans, travaillait sur un reportage à propos des fugitifs de Falloujah, venus s'abriter dans une mosquée de Bagdad, après les bombardements américains sur le bastion sunnite, quand elle a été prise en otage le 4 février dernier. Hier, la journaliste libérée a raconté à son journal Il Manifesto sa libération vendredi par ses ravisseurs : c'était “le jour le plus dramatique de ma vie”, a-t-elle déclaré. Elle a livré, par ailleurs, une version très différente que celle des Américains. “Notre véhicule roulait à une allure normale et non susceptible de malentendus”, a-t-elle affirmé. Elle a ajouté que les tirs n'étaient pas venus d'un barrage, mais d'une patrouille qui avait illuminé le véhicule avec un phare. Sa version a été confirmée par le membre de son escorte, rentré avec elle. “J'ai vu mourir dans mes bras la personne qui m'avait sauvée”, a raconté la journaliste. Son compagnon, Pier Scolari, présent à ce moment-là, a indiqué, en outre, que “toute la fusillade a été suivie en direct par la présidence du Conseil, qui était au téléphone avec un des membres des services spéciaux. Puis, les militaires américains ont confisqué et éteint les téléphones portables”. Mme Giuliana Sgrena précise que le chauffeur a communiqué, deux fois, à l'ambassade et en Italie qu'ils étaient en route vers l'aéroport. “Il manquait moins d'un kilomètre pour arriver à l'aéroport. Je me rappelle seulement du feu, une pluie de projectiles s'est abattue sur nous”, poursuit-elle. “Le chauffeur a crié nous sommes Italiens, nous sommes Italiens ! Nicola Calipari s'est jeté sur moi pour me protéger, j'ai senti sa dernière respiration, alors qu'il mourrait contre moi. Si vendredi a été le jour le plus dramatique de ma vie, le mois que j'ai passé en captivité a changé pour toujours mon existence”, conclut-elle. Selon l'agence de presse Ansa, la journaliste a déclaré aux magistrats chargés de l'enquête à Rome qu'il n'y avait pas de véritable poste de contrôle américain. N. A.