Tour à tour charmeur et acerbe, le président de la République a servi aux femmes, avant-hier soir, un discours fortement ambivalent. Invité d'honneur de la cérémonie commémorative de la Journée internationale de la femme, avant-hier soir, à l'hôtel El-Aurassi, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a eu droit aux meilleurs égards. Toutes les intervenantes, dont la sénatrice Zohra Drif-Bitat n'ont eu de cesse de louer les mérites et le courage du chef de l'Etat, qui a “introduit des amendements révolutionnaires dans le code de la famille”. Les organisatrices de l'événement ont poussé l'hommage jusqu'à charger une fillette de dix ans de déclamer une prose à la gloire de Abdelaziz Bouteflika. L'assistance, composée essentiellement de membres du gouvernement, de parlementaires, de représentantes du mouvement associatif et d'artistes, baignait dans une ambiance euphorique. Il aura fallu de courts monologues de Chafia Boudraâ et Dalila Helilou pour rappeler aux présentes que la condition de la femme en Algérie est loin d'être reluisante, malgré les menues avancées marquant la modification de la loi de 1984. Contrarié par ces incursions malvenues à son goût, le président Bouteflika a répliqué sèchement aux deux actrices qu'il a assimilées à des pleureuses : “Arrêtez de vous lamenter sur votre sort. Les artistes ne savent faire que ça.” Du haut de sa tribune, le premier magistrat du pays n'a pas épargné non plus son hôtesse, Mme Zohra Drif, qui promettait quelques minutes plus tôt que le combat de la femme n'est pas terminé. “Vous avez obtenu des acquis aujourd'hui. N'en exigez pas davantage”, a asséné le chef de l'Etat. Il a estimé que ce qui a été concédé aux citoyennes de son pays dépasse largement leurs revendications. “Dix-sept millions d'Algériennes considèrent qu'elles ont plus de droits que les hommes. Je tiens à rassurer ces derniers : il n'y aura pas de discrimination contre les femmes ni contre les hommes.” Implicitement, le président Bouteflika a défendu la suprématie des hommes. De son avis, les femmes ne doivent surtout pas prétendre investir des domaines qui transcendent leurs aptitudes intellectuelles et professionnelles. Sans transition, il a reproché au “sexe faible” de ne pas maîtriser l'art de la politique. “Il ne suffit pas d'une décision politique pour atteindre un niveau de parité au gouvernement”, a-t-il affirmé avant de citer Louisa Hanoune, présidente du Parti des travailleurs, comme modèle suprême de la compétence dans la pratique politique. “Donnez-moi dix femmes de la stature de Louisa Hanoune et je leur ouvrirai des postes politiques.” Le chef de l'Etat est revenu au code de la famille en répétant qu'il avait “fait de son mieux”, dans les limites autorisées par la religion. “Il existe des versets coraniques non négociables. Si je devais choisir entre plaire à Dieu ou à ses créatures, je chercherais sans hésitation à plaire au Créateur”. Visiblement irrité par la référence constante aux exemples tunisien et marocain, M. Bouteflika a clamé qu'il ne souhaitait “imiter ni Zaïd ni Amr et vous savez à qui je fais allusion”. Pour le président de la République, la révision du code de la famille est positive et concluante. Toute critique serait inspirée, selon lui, de mauvaise foi. Au bout d'un discours qu'il a égrené sur un ton incisif, le chef de l'Etat a souhaité concéder, quand même, un ultime geste envers les femmes en décrétant des mesures de grâce en faveur des détenues mineures ou âgées de plus de soixante ans. Il a annoncé, en outre, l'installation du Conseil national de la femme et la préparation d'un projet de loi portant protection de l'enfance. S. H./ S. L.