Une cérémonie a été organisée hier soir à la mairie de Puteaux en présence d'écrivains et de diplomates. Depuis l'annonce de sa disparition samedi dernier, les hommages à Malek Chebel ne cessent de se multiplier. Joint par Liberté, l'islamologue Ghaleb Bencheikh s'incline devant la mémoire du défunt. Il évoque "une grande perte", surtout que "les intellectuels musulmans progressistes et réformistes ne sont pas nombreux". M. Bencheikh décrit "un anthropologue, un psychanalyste et un islamologue audacieux, un homme résolument moderne, dont les prises de positions ont toujours été appréciées". Célèbre pour son rôle dans la vulgarisation de "l'islam des lumières", Chebel était, selon son ami, par son discours, un des remparts à la fois contre l'obscurantisme et l'islamophobie. Ghaleb Bencheikh fait référence, à ce propos, au climat de haine, "de mesislamie" et d'hostilité affichée à l'égard de l'islam, en affirmant que dans les circonstances actuelles, des paroles "intelligentes et distanciées", à l'image de celles tenues par Chebel, sont salutaires. Dans les colonnes de l'hebdomadaire, le Nouvel OBS, un de ses autres compagnons de route, le romancier et essayiste, Salah Guemriche salue aussi l'œuvre d'un homme qui a porté ardemment le message d'Averroes, en s'évertuant, à travers ses écrits de réconcilier chez les musulmans, la foi avec la raison. Un peu comme le Tunisien, Abdelwahab Meddeb, un autre penseur éclairé de l'islam, lui aussi décédé depuis peu de temps. Les défunts avaient été membres dans les années 80 du Cercle des intellectuels maghrébins que Chebel avait en partie mis en place. Impertinent et rigoureux, l'anthropologue avait permis à beaucoup, y compris aux non-musulmans de changer leur regard sur l'islam. Sur son compte Twitter, Jacques Attali, économiste et conseiller d'Etat, y voit "le modèle de l'intellectuel nécessaire". "Sa culture, son engagement, son humilité, sa curiosité vont nous manquer", a-t-il écrit. Le même ton a été utilisé par le Premier ministre Manuel Valls, qui a été un des premiers à réagir au décès de Malek Chebel. "C'était l'islam des lumières et la modernité. Son œuvre dit quel doit être notre ouvrage : bâtir l'islam de notre temps", a-t-il également commenté via les réseaux sociaux. Le ministre de l'Intérieur, Bernard Caseneuve, qualifie également l'œuvre de Chebel de référence. "Au moment où doit s'affirmer un islam de France, pleinement ancré dans les valeurs de la République, la figure et l'œuvre de Malek Chebel demeureront ainsi une référence et un guide pour tous ceux, musulmans et non musulmans, qui sont attachés à l'islam des lumières", a-t-il déclaré, ajoutant que cette œuvre a constitué "une tentative pour rendre intelligible la richesse de la religion musulmane et pour démontrer sa capacité à contribuer paisiblement aux grands débats de notre temps". La presse française a été, par ailleurs, unanime à saluer la mémoire du penseur musulman. Le quotidien Le Monde rappelle que son livre L'Islam pour les nuls s'est arraché en librairie après les attentats de janvier 2015. Chebel a écrit en tout une quarantaine d'ouvrages au total, dont une traduction du Coran. "Il mêlait références ancestrales et analyses contemporaines pour montrer un autre visage de l'islam, une recette à succès qui a fait de lui un essayiste populaire, médiatique et apprécié", note de son côté le journal Libération. Habitué des plateaux télé, l'islamologue a disparu des radars des médias depuis plusieurs mois pour cause de maladie. La mort a eu raison de lui mais pas de sa pensée. Hier soir, le public a été convié à la mairie de Puteaux, une ville des Hauts-de-Seine où il résidait avec sa famille, pour un énième hommage. S. L.-K.