Les trente-deux étudiants de Ben Aknoun accusés d'avoir, le 10 janvier dernier, organisé “un attroupement” dans l'enceinte de leur faculté et d'avoir “séquestré” le doyen ont comparu, hier, devant le tribunal de Bir-Mourad-Raïs, à Alger. À l'issue d'une audience qui aura duré plus de deux heures, et avant de remarquables plaidoiries développées par une dizaine d'avocats de la défense, le représentant du ministère public a requis des peines surprenantes au regard du déroulement du procès : deux ans de prison ferme et vingt mille dinars d'amende contre deux des prévenus et deux mois de prison ferme et vingt mille dinars d'amende contre chacun de leurs trente camarades. Le verdict de ce procès est attendu pour mercredi prochain. C'est peu après midi que l'audience a été ouverte par la présidente du tribunal qui a d'abord entendu les deux étudiants mis sous mandat de dépôt à la prison d'El-Harrach depuis deux mois. Babi Achour (4e année en sciences politiques) et Lardjimi Farid (2e année en sciences de la mer), accusés d'“incitation à attroupement” et de “séquestration de personne” ont reconnu avoir eu recours à “une grève et à un rassemblement pacifiques” pour demander la libération de Hamitouche, un de leurs camarades arrêté auparavant. “J'étais là pour me solidariser”, précisera Farid qui dit avoir lui-même pris connaissance du projet d'action par affichage. En revanche, ils nient tous les deux avoir séquestré le doyen de la faculté. L'un et l'autre soutiendront qu'ils ne s'étaient à aucun moment introduits dans le bureau du doyen. Ce que ce dernier confirmera plus tard en réponse à une question d'un avocat de la défense. Tous deux ont dit n'avoir pas obtempéré lorsque les forces de l'ordre appelées par le doyen ont intimé aux étudiants l'ordre de se disperser. “Nous étions en train de discuter avec les policiers pour nous assurer que personne ne serait inquiété à l'issue du rassemblement, et c'est à ce moment-là que les forces de l'ordre ont chargé les étudiants et procédé à des arrestations”. Cette thèse sera systématiquement avancée par les trente autres étudiants accusés, quant à eux, d'avoir participé à l'attroupement et à la séquestration du premier responsable de la faculté. Entendu à son tour, le doyen déclare d'emblée son souhait de retirer la plainte. Il bute toutefois sur le double refus de la présidente du tribunal et de la représentante du ministère public qui lui font savoir qu'il lui est possible de renoncer aux éventuelles compensations, mais que la plainte en elle-même fait l'objet d'une procédure publique et que, par conséquent, l'audience doit aller à son terme. On assistera alors au tournant du procès. Interrogé par un avocat de la défense, le doyen affirme n'avoir pas délivré d'autorisation pour le rassemblement, mais n'a pu désigner parmi les accusés celui ou ceux qui l'auraient séquestré, ni même évoquer leur nombre. Mieux encore, il dira qu'aucun étudiant ne s'était introduit dans son bureau, qu'il pouvait se déplacer librement au sein du bloc administratif tout aussi librement qu'il pouvait utiliser son téléphone. Les avocats se saisiront alors de ce témoignage pour démolir proprement dit l'accusation de séquestration. Quant à l'absence d'autorisation pour l'organisation de la manifestation incriminée, elle ne peut pas légalement constituer un motif pour des poursuites judiciaires. Pour une raison très simple qu'expliquera Me Sahli : “Les seules manifestations soumises à autorisation des pouvoirs aux yeux de la loi sont celles devant avoir lieu dans des espaces publics.” F. L.