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"Il faut s'attendre à une reprise rapide du marché" Boubekeur Abdellaoui, Professeur et consultant en énergie, analyse l'accord de l'OPEP conclu hier à Vienne
Dans cet entretien, le spécialiste pétrolier analyse les retombées de l'accord de Vienne sur l'évolution des cours du pétrole au cours des prochains mois. Liberté : Quel est l'impact de l'accord conclu à l'issue de la réunion de Vienne sur les cours du pétrole à la fin de l'année et au premier trimestre 2017 ? Boubekeur Abdellaoui : En acceptant ainsi de réduire la production de pétrole au cours de leur réunion, l'Opep va influer de façon plus importante sur les cours du brut : les prix du pétrole pourraient atteindre des niveaux supérieurs à 55 dollars et pourraient atteindre des niveaux supérieurs à 60 dollars en janvier 2017. Le marché du pétrole se dirige vers une reprise à un rythme plus rapide en raison de l'impact positif de l'Opep sur la baisse de sa production. Les producteurs de pétrole vont commencer à tirer profit en faisant plus d'argent lorsque les prix du pétrole augmenteront et cela va encourager bien sûr de nombreux producteurs de pétrole à augmenter leur production. Et cela est le souhait de tous les membres de l'Opep puisqu'ils sont pratiquement tous en difficulté financière. Quelle est l'influence de la Russie sur la stabilisation des marchés pétroliers ? Des prix plus élevés du pétrole vont encourager de nombreux producteurs non-Opep, comme la Russie, à accélérer leurs activités de forage et à augmenter leur production de pétrole. Ainsi si cela se produit réellement, l'Opep réalisera, en fin de compte, que l'accord n'a pas été en sa faveur. Si la production de pétrole des pays non-Opep augmente, les membres de l'Opep, en particulier l'Arabie saoudite, vont commencer à perdre des parts de marché qui pourraient les forcer à rompre l'accord. L'Opep est confrontée à une situation délicate. En parvenant à un accord pour réduire sa production de pétrole, elle se trouvera dans une position inconfortable en cas de non-alignement des non-Opep sur l'accord de Vienne. Elle permettra à des pays non-Opep comme la Russie de bénéficier ainsi de la hausse des prix du pétrole et de capturer des parts de marché en augmentant librement leur production de pétrole. Figurant parmi les premiers producteurs dans le monde avec l'Arabie saoudite et les Etats-Unis, la Russie a payé cher l'effondrement des prix avec deux ans de récession, aggravée par les sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne. Par ailleurs, la production de la Russie a beaucoup augmenté ces dernières années et s'élevait, en novembre, autour de 11,2 millions de barils/jour. Les experts estiment qu'un gel serait donc peu douloureux pour Moscou, mais pourrait lui rapporter gros si un accord avec l'Opep soutenait les prix du pétrole dont le budget est très dépendant. Moscou a déclaré qu'il ne se joindrait à une limitation concertée de l'offre qu'en cas d'accord trouvé au sein de l'Opep. Comment voyez-vous l'évolution de l'offre et de la demande de pétrole au cours du premier semestre 2017 ? Cette stabilisation de la production pétrolière pourra arranger aussi bien les pays producteurs que les pays consommateurs. Je pense que les producteurs de pétrole Opep et non-Opep se sont rendu compte de cette situation et qu'ils ont intérêt tous à travailler ensemble afin d'aider le marché du pétrole à se relever, sinon les prix du pétrole pourraient baisser légèrement et rester, quelque part, autour de 40 $ le baril pendant longtemps. La demande mondiale de pétrole continue de croître actuellement. N'oublions pas que le pétrole est la première source d'énergie dans le monde qui satisfait 32,57% de ses besoins énergétiques. Le pétrole reste la source d'énergie la plus utilisée dans les transports et la pétrochimie, mais ne représente que 4,6% de l'électricité mondiale. Cela représente, une demande de 92 millions de barils/jour (mbj). Les Etats-Unis demeurent les plus gros consommateurs de pétrole, avec 19,35 millions de barils/jour. Ils sont suivis par la Chine (11, 056 mbj) et le Japon (4, 298 mbj) dont la consommation croît rapidement. Le monde consomme 92, 086 millions de barils de pétrole/jour. Pensez-vous que l'Opep reprendra en 2017 son rôle de régulateur du marché ? Le marché du pétrole est devenu incontrôlable. C'est ce qui vient à l'esprit quand on observe l'augmentation des cours du baril, dont le prix a été pratiquement multiplié par cinq depuis 2002. L'Arabie saoudite, le plus grand producteur de pétrole au sein de l'Opep et le plus grand exportateur de pétrole au monde, a toujours eu la plus grande capacité de réserve. L'Arabie saoudite a généralement gardé plus de 1,5 à 2 millions de barils/jour de capacité de réserve à portée de main pour la gestion du marché. Les marchés sont influencés par les événements géopolitiques au sein et entre les pays de l'Opep. La baisse de la croissance en Chine et des crises dans divers autres pays, comme le Brésil, provoquent un relatif ralentissement de la demande. Ces facteurs se conjuguent et le baril qui restait largement au-dessus de 100 dollars depuis 2011 retombe début 2015 autour de 60 dollars. Depuis le début de l'année 2016, la crise perdure en raison du "bras de fer" entre l'Arabie saoudite et les producteurs américains de gaz de schiste qui maintiennent le haut niveau de leurs productions. Même si la consommation en 2015 progresse de 1,6 million de barils/jour, pour atteindre 94,2 mbj selon les prévisions de l'AIE, l'excédent de production reste très élevé et les prix du baril continuent de baisser. En janvier 2016, le prix du Brent passe sous la barre des 30 dollars le baril. En 2017, la consommation est anticipée en hausse de 1,3 mbj à 97,4 mbj, tirée essentiellement par les pays non-membres de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Mais l'AIE a prévenu que la persistance des stocks de produits pétroliers à des niveaux élevés pourrait menacer la récente stabilité des prix, qui évoluent depuis plusieurs semaines entre 45 et 50 dollars le baril après le plancher de 27,10 dollars touché en janvier. La production de l'Opep a, elle, atteint son plus haut niveau en huit ans, à 33,21 mbj, la part de marché des producteurs du Moyen-Orient atteignant même 35% de la fourniture mondiale d'or noir. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) anticipe actuellement un excès d'offre persistant jusqu'à la mi-2017 sur fond de demande mondiale plus faible. En septembre, l'Opep, composée de 14 pays, a pompé un niveau record de 33,64 mbj, soit 160 000 barils/jour de plus par rapport à août mais surtout fait un bond de 910 000 b/j sur un an. N'oublions pas que la production de l'Irak a atteint un plus haut niveau avec 4,46 mbj tandis que celle de l'Iran s'est élevée à 3,67 mbj, légèrement supérieure au niveau moyen de 2011, avant les sanctions internationales. En conclusion, on devra attendre pour voir si les membres de l'Opep vont appliquer scrupuleusement l'accord de Vienne. Entretien réalisé par : K. Remouche