Le doc en compétition officielle Finding Fela d'Alex Gibney a été projeté au 7e Fica, dimanche, à la salle El-Mougar. Ce long métrage fait découvrir les différentes facettes d'un artiste atypique qui s'est battu au péril de sa vie pour la liberté. La troisième journée du 7e Festival international du cinéma d'Alger (film engagé) a été marquée par la projection d'un documentaire sur un homme qui a sacrifié sa vie pour ses idéaux et ses valeurs. Armé de son saxophone, l'artiste hors pair Fela Kuti s'est engagé corps et âme contre l'oppression au Nigeria, à travers sa musique et ses chansons contestataires. Pour narrer l'histoire si trépidante de ce personnage qui a contribué à sa manière à "libérer" son pays, l'Américain Alex Gibney a réalisé le doc Finding Fela (2014), suite au succès mondial de la comédie musicale Fela ! (2009), présentée à Broadway par le chorégraphe Bill T. Jones. Ce spectacle qui a "déterré" et "redonné vie" à Fela Kuti a permis au réalisateur de revenir sur les multiples facettes du chanteur qui, rappelons-le, est le créateur de l'afrobeat (fusion de funk, jazz et rythmes traditionnels africains). Ce long métrage de 119 mn fait voyager le spectateur entre les répétitions de la comédie musicale, des images d'archives (extraits d'interviews et d'images sur les horreurs de la guerre civile au Nigeria...), et des témoignages de ses anciens musiciens, manager, producteurs, amis et, bien sûr, de ses trois enfants. Très engagé, Fela Kuti baignait dans la culture et la politique. Il revendiquait dans ses titres chantés en pidgin (anglais de la rue au Nigeria) son africanité et militait également pour le panafricanisme. Pour lui, la musique du continent "ne doit pas divertir mais apporter un changement". À ce propos, le chorégraphe Bill T. Jones a souligné dans le doc : "Sa musique était complexe, ses morceaux durent 45 mn, et ils ne sont pas structurés. Mais le plus stupéfiant est qu'il dénonçait la dictature et parlait de liberté tout en se déhanchant." Personnage atypique, son entourage n'arrivait pas à le cerner, mais le suivait constamment dans sa "folie". "C'était un nid à embrouilles. Il descendait dans les rues et s'impliquait, jusqu'à se faire frapper, poignarder et arrêter", a confié son fils avec le sourire dans le film. Lors de la guerre civile au Nigeria durant les années 70, il scandait des titres à l'encontre du pouvoir militaire qui "régnait" sur le pays. D'ailleurs, Fela clamait sans cesse à la presse et son public : "Ma musique est mon arme." En 1976, il sort le titre Zombie, où il se moque des dirigeants (militaires), en les traitant de morts-vivants, une compo qui lui a valu la torture et la mort de sa mère dans sa demeure baptisée "Kalakuta république". "C'était une maison protégée par des fils barbelés, elle a été transformée en une grande communauté africaine où vivaient les musiciens et les danseuses du chanteur. Il y avait également des délinquants qui ont été embauchés par Fela, il leur a tous offert du travail, comme plombier, menuisier..." L'inventeur de l'afrobeat mettait "ses émotions dans sa musique", et ce, en dénonçant le régime, la corruption et les multinationales, et cela lui a valu à maintes reprises la prison et le fouet. Malgré le danger, il est resté au Nigeria pour défendre ses valeurs et son peuple, car il se considérait comme "le président noir". "Adulé" dans les ghettos de Lagos, il est devenu très populaire dans son club, le Shrine, où il se produisait ; une foule immense venait l'écouter, comme un politicien dans un meeting. Ce temple considéré comme le "cœur de l'Afrique" a vu la représentation de grandes célébrités, notamment Paul McCartney. Pour revenir sur sa vie, il est né en 1938, dans une famille anticolonialiste. Au début de sa carrière, il s'illustre dans le jazz. Après sa rencontre avec Sandra (membre des Black Panthers), il change radicalement de style, avec son groupe Afrika 70, et se met à l'afrobeat, en interprétant des chansons engagées. Fela Kuti ne craignait pas la mort, il répétait : "Je suis Fela, je ne peux être tué par l'homme. Je porte la mort dans ma gibecière", mais malheureusement le sida a fini par le tuer, un certain 2 août 1997. Cet artiste visionnaire, bourré de talent, qui a décidé de rester dans son pays pour défendre ses convictions et les opprimés, a laissé un héritage intemporel aux peuples africains : celui de la dignité et du combat pour la liberté. Hana Menasria