A long way to the beginning, le nouvel album du chanteur nigérian Seun Kuti, est un plaidoyer pour le changement politique en Afrique. Constantine De notre envoyé spécial Seun Kuti est le digne fils de son père. L'enfant du créateur de l'afrobeat, Fella Anikulapo Kuti, était jeudi soir à Constantine au12e Festival international du jazz, Dimajazz, pour un premièr concert en Algérie. Le jeune chanteur nigérian, venu avec l'orchestre au complet d'Egypt 80, marche sur les pas de son père avec détermination. Même musique, même démarche scénique, même sang bouillonant ! Seun Kuti, 31 ans, est un révolté conscient des enjeux actuels en Afrique. Face au public, il a exprimé tout ce qu'il pense du FMI, le Fonds monétaire international. En anglais, cela donne, «International Mothers Fuckers» ! «Je ne suis pas contre le FMI en tant qu'institution, mais contre ce qu'il représente. Son nom déjà relève de la propagande. Quand le FMI débarque au Nigeria, il ordonne des coupes budgétaires, de l'austérité. Mais il ne s'intéresse pas à ce que dépense le président de l'Etat rien que pour sa nourriture. Le FMI ne se concentre que sur le business», a expliqué Seun Kuti aux journalistes après le concert. African Airways est une chanson qui aborde le système économique africain actuel. L'Afrique ressemble à un avion. Le pilote est un Occidental et le copilote est un homme noir stupide, qui ne cesse de dire : «Yes, sir. Yes, sir. L'économie africaine est guidée par le FMI !», a lancé le chanteur sur scène, suscitant un tonnerre d'applaudissements. Le jeune public comprenait bien l'anglais de l'artiste nigérian. Seun Kuti a critiqué également les médias occidentaux qui, selon lui, ont tendance à véhiculer des messages de peur sur l'Afrique. «Avant de venir ici, certains journalistes m'ont dit de ne pas partir en Algérie. Ils vont te tuer.», «D'autres journalistes exagèrent en parlant de Boko Haram et du terrorisme au Nigeria», a-t-il déclaré. Seun Kuti a pris par moments son saxophone pour appuyer un chant déjà bien porté par les cuivres, les guitares, le chœur et les percussions. De l'afrobeat à l'authentique avec des touches funky, jazzy et bluesy. Seun Kuti a dansé, joué, sauté, bougé, descendu de la scène, il est allé à la rencontre du public torse nu. Le chanteur rebelle n'a peur de rien. La musique est un rempart solide contre tous les complots ! Les musiciens de l'orchestre Egypt 80, qui ont accompagné Fella Kuti depuis plus de vingt ans jusqu'à sa mort en 1997, ont soutenu le chanteur dans tous ses mouvements, s'adaptant vite à ses improvisations et à ses rajouts. Les paroles en yoruba et en anglais, écrites par Seun Kuti, évoquent l'Afrique d'aujourd'hui. African woman critique la femme noire qui veut ressembler aux dames de l'Occident. «La femme africaine est en train de perdre son identité. Elle veut marcher et s'habiller comme Beyonce Knowles ou Rihana. Je parle de Beyonce pour évoquer l'image qu'elle véhicule, la culture de la consommation qu'elle représente. On nous parle de l'investissement étranger en Afrique. Ce n'est pas vrai. Ces investissements sont coûteux pour nous et la population n'en profite pas. C'est de la corruption», a souligné le chanteur. Il croit à la possibilité des jeunes élites africaines de pouvoir changer les choses dans la paix et la démocratie sans injonctions extérieures. «Nous n'avons pas besoin de révolution extrême. Il suffit d'avoir un agenda et tracer des objectifs pour sortir l'Afrique de la situation actuelle», a-t-il appuyé. Depuis 2007, Seun Keuti a déjà produit trois albums et un maxi 45 tours. A long way to the beginning (un long chemin vers le début) est son dernier album sorti cette année. Mais pourquoi ce titre ? «Au début parce que l'afrobeat est aujourd'hui une musique interprétée partout dans le monde. C'est déjà un grand mouvement musical. Sur un autre chapitre, les jeunes Africains commencent à s'intéresser à la chose politique, veulent s'impliquer pour changer les systèmes en place. C'est un début pour moi aussi, car je suis devenu père d'une fillette !», a confié Seun Kuti. La première partie de la soirée de jeudi a été assurée par le quartet du percussionniste guadeloupéen Sonny Troupe, qui a interprété des morceaux de son dernier album, Voyages et rêves.Le public a fait connaissance avec le tambour «ka», instrument traditionnel à valeur nationale de la Guadeloupe.A noter que le Dimajazz s'est achevé hier soir par un concert du Colombien Yuri Buenaventura et une rencontre entre le flamenco et le chaâbi grâce à l'Algérien Ptit Moh et au Français Juan Carmona. Nous y reviendrons dans nos prochaines éditions.