Il faut probablement remonter aux premières élections pluralistes du début des années 1990, avec la balbutiante ouverture démocratique, ou encore à celles de 1997, pour enregistrer un "engouement" à une échéance électorale tel celui que provoque le scrutin prochain. Qu'ils soient catalogués de "nationalistes" ou au pouvoir, comme le FLN ou le RND, qu'ils soient issus du courant islamiste comme le MSP, Ennahda, le FJD, El-Islah, ou encore de l'opposition laïque comme le RCD, AHD 54, le FFS ou encore le PT dont la décision ne saurait tarder, sans compter la cohorte d'autres partis "saisonniers" ou de création récente, tous ont décidé de se lancer dans la bataille électorale. Tout se passe comme si le prochain rendez-vous s'annoncait décisif et charriait quelques enjeux de survie pour la plupart des partis. Mais si pour les partis du pouvoir ou ceux gravitant à sa périphérie, comme le MPA d'Amara Benyounès, ou le TAJ de l'ex-ministre, Amar Ghoul, la participation était au demeurant prévisible et conforme à leur vision, un savant mélange d'opportunisme et de populisme, et à leur "idéologie", tel n'est pas le cas de l'opposition dont le discours conférait et plaidait plutôt, par bien des égards, au renoncement. Au regard du contexte économique marqué par la crise, le contexte politique où les entraves à l'exercice politique le disputent à la répression, la manipulation et les violations des libertés ; la méfiance à l'égard d'une administration et d'une justice aux ordres, le refus obstiné du pouvoir à la mise en place d'une instance indépendante chargée de l'organisation, de l'observation et de la surveillance de l'élection et les soupçons de fraude, la logique aurait commandé sans doute à l'opposition de boycotter le scrutin. Encore plus aujourd'hui que l'institution parlementaire ne jouit plus d'aucun crédit et que les citoyens se montrent réfractaires au vote, en témoignent les derniers chiffres de participation aux scrutins de 2007 et 2012 où le taux n'avait pas dépassé les 46%. Pourquoi se lancer alors dans la bataille ? "Cette fois-ci, nous ne proposerons pas à la classe politique et aux acteurs associatifs une feuille blanche mais bel et bien une page remplie par le peuple que nous aurons à approcher à l'occasion de ces élections législatives", expliquait récemment un membre du présidium du FFS, Mohand Amokrane Chérifi, pour qui la campagne pour le prochain scrutin est une aubaine pour provoquer une dynamique au sein de la société pour reconstruire le "consensus", credo du parti depuis le dernier congrès. "Le parti a souvent opté pour une participation aux élections pour avoir une visibilité et une présence dans un moment de doute et de congélation politique qui ne laissait pas d'autre alternative et pouvoir porter sur le terrain le projet démocratique et donner les réponses justes et adéquates aux revendications citoyennes qui existent dans notre bilan et parcours", justifiait, pour sa part, le RCD. Selon lui, "une alternative au chaos programmé par l'autoritarisme et la politique d'exclusion en vigueur existe". Pour le MSP, de son côté, "la politique de la chaise vide est contreproductive et ferait le jeu du pouvoir". Pour Abderrezak Makri, dont le parti n'a jamais fait mystère de sa politique d'entrisme, malgré un "petit séjour" au sein de l'opposition mû par quelques calculs politiques dans la foulée des révoltes arabes, "le pouvoir escomptait, via la loi portant régime électoral, le boycott de l'opposition". Mais au-delà des arguments des uns et des autres, la vérité tient au fait que ces partis semblent convaincus d'avoir été "piégés" par le pouvoir à travers la nouvelle loi électorale. Concoctée par la bénédiction des deux partis majoritaires auxquels elle fait la part belle, cette loi, dénoncée par ailleurs par l'opposition, se décline comme une meule qui va broyer bien des partis. Et la loi sur les partis, en préparation, ne fera office que de texte qui achèvera ceux qui seraient restés sur le bord de la route. Aussi, le prochain scrutin va préfigurer des rapports de force en perspective de la succession à Bouteflika pour qui un cinquième mandat est difficilement envisageable. Ce n'est pas sans raison, d'ailleurs, que des regroupements s'opèrent, comme l'alliance de certains partis islamistes, et que des remous secouent certains partis. Assurément, la reconfiguration du champ politique, hérité de l'ouverture démocratique, est en marche. Karim Kebir