Le Liban paraît divisé sur la configuration du pouvoir au lendemain d'un rassemblement sans précédent de l'opposition plurielle exigeant un retrait syrien total, en réponse à une démonstration de force, il y a une semaine, du Hezbollah chiite qui a clamé sa fidélité à Damas. Environ un million de Libanais de toutes confessions, venus de toutes les régions, ont réclamé le départ de tous les soldats syriens du Liban et la vérité sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre, Rafic Hariri, aux cris de “Vérité, liberté, souveraineté” et “La Syrie dehors”. Ce rassemblement, unique dans l'histoire du Liban, a été organisé à l'appel des partisans de Hariri, assassiné le 14 février, du chef druze Walid Joumblatt et de l'opposition chrétienne. Cette manifestation a réuni deux fois et demie plus de monde que le rassemblement organisé par les alliés de la Syrie, dont le principal levier est le Hezbollah chiite pour marquer “leur fidélité” à la Syrie, contrainte de retirer ses troupes stationnées au Liban depuis presque trente ans. “L'opposition a imposé sa supériorité sans ambiguïté (...), la manifestation du Hezbollah a énoncé son point de vue sur le futur des relations syro-libanaises et sur les équilibres interlibanais. Hier, des forces libanaises puissantes et ouvertes sur le monde arabe et sur la communauté internationale ont voulu chambarder cette vision”, écrit l'éditorialiste du journal pro-syrien As-Safir. Tirant la leçon de “la suprématie” de l'opposition, M. Joumblatt a invité lundi le Hezbollah à faire son choix pour savoir de quel côté se trouve l'indépendance du Liban. Il a également invité le parti du Dieu à “mettre fin à son ambivalence politique”. M. Joumblatt a lancé au chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, un vibrant appel “pour qu'il rejoigne les autres Libanais”, lors d'une émission télévisée. M. Joumblatt a également indiqué avoir défendu devant ses interlocuteurs européens le fait que la résolution 1 559 de l'Onu, qui exige le désarmement des milices libanaises et non libanaises, “n'était pas appropriée”. “La question des armes du Hezbollah est une affaire intérieure libanaise”, a-t-il insisté. Mais l'opposition veut mettre le pouvoir au pied du mur. En réclamant une enquête internationale sur la mort de Hariri, la démission du procureur général et de cinq chefs de services de sécurité, l'opposition refuse de participer à un gouvernement d'union nationale, proposé par les pro-Syriens. L'opposition a même fixé à l'avance la mission du nouveau gouvernement : superviser le retrait total syrien et le déroulement d'élections législatives “libres” au printemps. Reprenant un thème favori, qui ne fait pas l'unanimité, M. Joumblatt prône la démission du président Emile Lahoud. Enfin, le général Michel Aoun, figure de l'opposition libanaise en exil à Paris, a déclaré qu'il sera à Beyrouth “dans deux semaines” pour préparer les élections de mai, lors d'une émission qui doit être diffusée aujourd'hui par La chaîne parlementaire (LCP) de l'Assemblée nationale française. “Dans deux semaines, je serai à Beyrouth”, a déclaré à LCP l'ancien Premier ministre du Liban âgé de 70 ans. “J'aurai des candidats dans les différents districts : nous sommes prêts pour les élections législatives”, a-t-il ajouté. Le dirigeant chrétien a, en outre, annoncé qu'il aurait des listes communes avec le principal dirigeant de l'opposition libanaise, le député et chef druze, Walid Joumblatt. “Je crois qu'on aura des listes ensemble, parce que nous avons le système de listes plurinominales” au Liban, a-t-il précisé. En ce qui concerne le parti chiite intégriste Hezbollah, le général Aoun a assuré que “personne n'essaye au Liban de marginaliser le Hezbollah, c'est le Hezbollah qui veut marginaliser tout le monde”. R. I./Agences