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« L'internationalisation est très dangereuse »
Publié dans El Watan le 14 - 03 - 2005

Les conditions du retrait syrien du Liban, imposé par les pressions occidentales, sont en train de mettre à mal les équilibres politiques et communautaires au Liban. « On est en train de voir les effets de la non-réconciliation nationale au Liban, parce qu'il n'y a pas de projet politique qui puisse rassembler les Libanais.
L'opposition qui a commencé à sortir dans les rues et à initier une espèce de mouvement de libération national s'appuie sur la résolution 1559 et non pas à un niveau libanais. Derrière la 1559, il y a Washington et Paris », souligne une experte du Moyen-Orient. « L'état de paralysie des institutions au Liban, l'impuissance de cette classe politique, qui est représentée dans l'opposition, à faire bouger les choses, a fait qu'elle s'est rabattue sur les pressions étrangères. » Et de considérer que « ce serait une erreur de voir dans la manifestation à l'appel du leader du Hezbollah Nasrallah une manifestation uniquement prosyrienne ». L'analyste ajoute : « Deux Liban s'opposent. Il y a de vraies fractures qui réapparaissent aujourd'hui. » « Il n'est pas impossible que le repli syrien se traduise sur le terrain libanais par des affrontements. » « On a parlé d'opposition plurielle qui est descendue dans la rue, cette opposition, même si elle compte des sunnites, est constituée essentiellement de chrétiens et d'une certaine classe sociale. A l'appel du Hezbollah, c'est le Sud-Liban et la banlieue sud de Beyrouth qui sont descendus dans la rue, mardi dernier. » « Au sein même de l'opposition des divergences existent : des aounistes qui sont pour la résolution 1559 contre les accords de Taëf ; ceux qui se réunissent autour de Monseigneur Sfeir, favorables aux accords de Taëf (accords de 1976 mettant fin à 15 ans de guerre civile), Walid Joumblat qui est en train de revoir son discours à la baisse, car c'est dangereux de s'en tenir à la 1559, la 1559 considère le Hezbollah comme une milice, et même si Washington est aujourd'hui en train de se dédire, c'est pour casser le Hezbollah considéré comme une organisation terroriste par les Etats-Unis. » Le désarmement du Hezbollah, son intégration à l'armée libanaise est un problème interlibanais. « Le Hezbollah peut intégrer facilement le jeu politique libanais, mais il faut qu'il y ait des garanties. » En septembre 2004, la résolution 1559 impulsée par Washington et Paris exige le retrait total des forces étrangères du Liban et le démantèlement du Hezbollah. Moins d'un mois après la chute de Baghdad, Colin Powell s'est rendu à Damas avec une liste d'exigences posées par les Américains dans le nouveau contexte régional. « Dans le projet de Grand-Moyen-Orient, la Syrie ne peut plus avoir d'ambition, de rôle régional. Ce n'est plus acceptable pour les Américains. C'est la fin du soutien de mouvements de résistance pour la Syrie. La Syrie doit se replier sur ses frontières, elle doit aussi faire des réformes économiques. »
La déception de la France
« Ce qui est nouveau, c'est la position française par rapport à la Syrie. Le président Chirac avait fait le pari que Bachar Al Assad allait moderniser et faire évoluer la Syrie, par conséquence le Liban allait en profiter. Réformer l'administration en Syrie, ce n'est pas le meilleur moyen de soutenir Bachar Al Assad, sachant le fonctionnement du système syrien. La gestion du dossier libanais par Damas a suscité la colère du président français qui a conduit à l'élaboration de la 1559 avec les Américains. Le point de friction a été la prolongation du mandat présidentiel d'Emile Lahoud qui est associé au pouvoir syrien, aux réseaux mafieux. Ce sont ces réseaux-là, avec des partenaires libanais, qui ont fait capoter le processus de réformes qui avait été soutenu par la France à travers la conférence des donateurs de la conférence de Paris 2. Jacques Chirac s'était personnellement engagé dans ce processus-là , il avait mobilisé la communauté internationale afin qu'elle mette à disposition du gouvernement libanais près de deux milliards de dollars, mais, en contrepartie Hariri devait mener une série de réformes pour améliorer durablement la santé économique du Liban. Cela n'a pas été fait, l'argent de Paris 2 a été dilapidé, enrichissant certaines personnalités proches du pouvoir et des Syriens. Cela a suscité la colère du président Chirac », soutient notre interlocutrice. Elle ajoute que « la 1559 a été élaborée également contre Bachar El Assad qui a déçu Paris. A cela s'ajoute l'affaire du contrat d'exploitation gazier qu'espérait emporter Total, Chirac étant intervenu auprès de Damas pour ce faire. Le contrat a été accordé à une société canado-américaine dans laquelle figurent des partenaires syriens proches du pouvoir. Ce contrat a été, depuis, remis en cause, les conditions régionales ayant changé ».


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