Le président de l'Instance électorale (Isie) en Tunisie a dénoncé hier le blocage "inadmissible de la marche vers la démocratie dans ce pays", fustigeant notamment le retard dans la tenue des premières élections locales de l'après-révolution. "La Tunisie s'est démarquée (...) par sa réussite partielle de la transition et il est inadmissible de tronquer cette marche vers la démocratie", a dit Chafik Sarsar dans un entretien au quotidien La Presse. "Tout est bloqué. (...) Nous avons loupé un rendez-vous avec l'histoire", a-t-il ajouté, en référence notamment aux difficultés dans la mise en place effective de deux nouvelles institutions -la Cour constitutionnelle et le Conseil supérieur de la magistrature- prévue par cette transition. Mais le président de l'Isie s'est également montré très critique face au retard pris par le Parlement dans l'adoption de la loi électorale, un préalable à la tenue des premiers scrutins municipaux et régionaux depuis la révolution de 2011. "Je l'ai déjà dit, ce sont les intérêts partisans tout simplement qui font que nous avons ce retard", a-t-il déploré. Chafik Sarsar a rappelé que son instance avait besoin de "huit mois à partir de la publication de la loi pour organiser ces scrutins, que le citoyen attend avec impatience et qui sont particulièrement importants, plus de six ans après la chute de la dictature de Zine el Abidine Ben Ali". Si ces élections n'interviennent qu'en 2018, elles seront immédiatement suivies, en 2019 de la présidentielle. "Ce rapprochement n'est pas (...) conseillé", a-t-il ajouté, notant le risque d'un "essoufflement des électeurs". La transition démocratique en Tunisie a été saluée comme une réussite après l'adoption en 2014 d'une nouvelle Constitution et la tenue d'élections législatives et présidentielle libres. Les municipalités, en revanche, sont toujours gérées par de simples "délégations spéciales", en charge des affaires courantes, ce qui impacte la vie quotidienne des Tunisiens (infrastructures défaillantes, ramassage déficient des ordures etc.). Ces difficultés s'ajoutent à la morosité économique du pays, marquée par une croissance faible et la persistance d'un chômage massif, en particulier chez les jeunes. Il y a tout juste un an, la Tunisie avait ainsi connu sa pire contestation sociale -entraînant l'instauration d'un couvre-feu à l'échelle nationale- après la mort d'un jeune lors d'une manifestation pour l'emploi à Kasserine, dans le centre défavorisé du pays. R. I./Agences