Un rapport des services du renseignement de l'Union européenne divulgue que la purge au sein de l'armée que prévoyait Recep Teyyip Erdogan est la cause directe de la tentative de putsch contre lui. Etait-ce une stratégie pour pousser les militaires à l'erreur ? Les révélations du rapport rendu public par les services du renseignement de l'Union européenne indiquant que le président turc s'apprêtait à opérer une purge dans l'armée serait la raison qui a poussé les putschistes à agir. Selon le journal The Times, qui a rapporté cette information, les putschistes redoutaient que la purge ne les touche. La même source révèle que les auteurs de cette tentative seraient des opposants au président turc au sein de l'armée et de l'AKP, le parti au pouvoir, ainsi que des fidèles à la philosophie laïque du père de la Nation turque, Mustafa Kemal Atatürk. Ces derniers étaient les cibles de Recep Tayyip Erdogan depuis 2014. Cette éventualité ouvre la voie à toutes les spéculations. On n'écarte pas l'éventualité que l'information de la purge ait fuité intentionnellement pour pousser les opposants au sein de l'armée à commettre l'irréparable. À voir le déroulement du putsch raté, notamment la célérité d'intervention des pro-Erdogan, qui ont rapidement repris en main la situation, l'hypothèse d'un plan de Recep Tayyip Erdogan pour mettre à nu tous ses opposants tient la route. En effet, le contenu du rapport du renseignement contredit la version des autorités turques sur le déroulement de la tentative de putsch en juillet 2015, d'autant plus qu'Erdogan l'utilise comme argument pour justifier sa demande d'extradition des Etats-Unis de son plus dangereux rival, Fethullah Gülen. Le chef de l'Etat turc semble donc avoir tout planifié pour assurer la pérennité de son pouvoir sans partage, qui pourrait aller jusqu'en 2029, une fois la nouvelle Constitution adoptée par le Parlement. Et c'est aujourd'hui que les députés entameront la deuxième lecture du projet de Constitution, déjà approuvé en première lecture dimanche dernier. Comme cela a été rapporté par les médias turcs, la nouvelle Constitution renforcera les pouvoirs d'Erdogan, malgré le rejet par l'opposition de ce projet de présidentialisation du système politique turc, qu'elle considère comme une dérive autoritaire du président Erdogan. Une fois adopté, ce texte donnera au président le pouvoir de nommer ou de limoger les ministres, tandis que le poste de Premier ministre sera supprimé, pour la première fois dans l'histoire de la Turquie. Il prévoit également un poste de vice-président, ou éventuellement de plusieurs vice-présidents. Les élections législatives et présidentielles se dérouleront simultanément. Même la date du prochain scrutin est fixée à l'avance par le projet, soit le 3 novembre 2019. La durée du mandat présidentiel est fixée à cinq ans, et le président ne pourra exercer que deux mandats au maximum. Le parti au pouvoir AKP, qui dispose de 317 sièges sur les 550 du Parlement, a toutefois eu besoin des voix d'un quatrième parti, la formation de droite nationaliste MHP, pour obtenir la majorité requise pour faire adopter le texte en première lecture. Le dirigeant du Mouvement nationaliste Devlet Bahceli, qui a pris la tête de cette formation en 1997, est apparu comme le principal allié de l'AKP pour promouvoir la réforme constitutionnelle. Merzak Tigrine