Les relations irako-jordaniennes sont entrées dans une zone de turbulences sur fond de manifestations hostiles à Amman, accusé par les chiites d'Irak de ne pas aider leur pays à lutter contre la violence. Un haut responsable du ministère irakien des Affaires étrangères a admis qu'il y avait une “crise dans les relations entre les deux pays”, en rendant les autorités d'Amman responsables de certaines attaques dans le pays. Les manifestations hostiles à la Jordanie sont allées en s'amplifiant, depuis la publication dans la presse irakienne d'informations indiquant qu'un attentat survenu en février à Hilla, au sud de Bagdad, avait été commis par un kamikaze jordanien, Raëb Al-Banna. L'attentat, revendiqué par le chef du réseau terroriste Al-Qaïda en Irak, le Jordanien Abou Moussab Al-Zarqaoui, avait fait 118 tués et des dizaines de blessés le 28 février. Ce bilan est le plus lourd d'un attentat unique en Irak depuis le début de la guerre, il y a deux ans. Ce qui a outré les chiites, c'est que, d'après ces informations de presse, la famille du kamikaze présumé aurait organisé une cérémonie en son honneur, dans sa ville de Salt, près d'Amman, et aurait reçu des félicitations pour son “martyr”. Et ni les démentis de son père ni les condamnations des autorités jordaniennes des actes de violences en Irak n'ont calmé les esprits, bien au contraire. D'autant que les chiites ont toujours reproché à la couronne hachémite d'avoir entretenu d'excellentes relations avec le régime déchu de Saddam Hussein qui les a durement réprimés. En recevant samedi le chargé d'affaires jordanien, le chef du principal parti chiite du Conseil suprême de la révolution islamique en Irak, Abdel Aziz Hakim, a averti que les relations entre les deux pays pourraient être en péril. Le chef chiite, premier de la liste chiite victorieuse des élections de janvier et qui aura un rôle de premier rang dans le prochain gouvernement, s'est indigné de “la transformation de la Jordanie en lieu sûr pour les affidés de Saddam Hussein et ses agents”, qu'il a accusés de puiser dans le trésor de guerre de l'ancien dictateur pour financer des opérations violentes en Irak, notamment des attentats antichiites. M. Hakim s'est également indigné de l'écho favorable donné par les médias jordaniens à ces violences et du fait que la famille de l'auteur présumé de l'attentat de Hilla ait fêté son action. À deux reprises, des manifestants en colère ont brûlé le drapeau jordanien, qui a été arraché lundi dernier du haut du bâtiment abritant la chancellerie. La dégradation des relations avec la Jordanie peut être préjudiciable à l'économie de ce voisin de l'Irak qui a été son seul débouché sur l'extérieur. La Jordanie continue, depuis la chute de l'ancien régime, d'être un partenaire privilégié de l'Irak, même si le flux de marchandises en provenance de ce pays s'est un peu tari, après les enlèvements en pays sunnite de nombreux camionneurs et hommes d'affaires jordaniens. R. I./Agences