Le traitement, avant-hier, par la chambre d'accusation du dossier des détenus de Ghardaïa a été, finalement, ajourné d'une semaine. C'est sur demande de la défense que la chambre d'accusation a décidé ce report. Selon des avocats de la défense, Me Dabouz et Me Ahmine, qui ont animé un point de presse avant-hier à Alger, le traitement interviendra le 14 du mois en cours. Lors de leurs interventions, les deux avocats ont dénoncé "une situation très grave" qui prévaut dans les prisons de Ghardaïa. Relevant les "multiples dérapages, erreurs, vices de forme..." contenus dans le dossier des détenus, les conférenciers ont révélé que la procédure choisie par les autorités à Ghardaïa consiste "en l'arrestation de plusieurs personnes" et, ensuite, à "tenter avec la justice de leur trouver des accusations". L'exposé fait par la défense des détenus de Ghardaïa est hallucinant tant il met à nu une instrumentalisation flagrante et délibérée de l'appareil judiciaire suite aux événements meurtriers qui ont secoué la vallée du M'zab. Selon eux, "le Dr Fekhar et les autres détenus ont été accusés sur la base de déclarations et non sur la base de faits avérés", avant de revenir sur les circonstances de l'arrestation du Dr Fekhar "lors de la prière de tarawih avec des dizaines d'autres personnes". Me Ahmine a ajouté que la décision des autorités judiciaires de transférer le dossier au procureur général près le tribunal de Ghardaïa "est une fuite en avant". L'avocat a révélé que "l'instruction s'est faite à charge" et qu'aucun des arguments "à décharge" n'a été retenu. Qualifiant ces prisonniers de "détenus d'opinion", les deux avocats ont alerté sur l'état de santé des grévistes de la faim, "qui ne cesse de se détériorer", et ils sont "de plus en plus nombreux à se priver de nourriture pour dénoncer leur arrestation". Me Dabouz a révélé que toutes ses tentatives de voir ses mandants, ensemble, se sont avérées vaines, ce qu'il a qualifié d'outrage à la fonction d'avocat et d'obstruction aux droits de la défense. Il a dénoncé, par ailleurs, les pressions exercées sur les détenus et "les agissements" de certains gardiens envers les prisonniers. Me Dabouz a informé que des détenus "ne sont pas autorisés à parler mozabite". Il a raconté qu'au cours d'une entrevue avec certains de ses mandants, "des cris stridents émanant de l'intérieur de la prison ont attiré mon attention". L'avocat a ajouté que, selon ses clients, "il s'agit d'une séance de torture d'un prisonnier à l'aide d'un fil de fer". "Cela est inacceptable", a-t-il lâché avant d'appeler les autorités à intervenir "promptement" pour éviter "non pas une catastrophe, mais plusieurs". L'avocat a révélé qu'un des détenus mozabites a été privé de soins, car "il n'avait pas d'argent pour les payer". "Ce détenu est diabétique, hypertendu et souffre d'une maladie cardiaque", a dit l'avocat, qui a raconté que le concerné, technicien chauffagiste de métier, "a proposé à la direction de la prison la réparation du matériel électroménager pour pouvoir payer ses soins". Sur un autre volet, Me Dabouz a relevé le fait que la wilaya de Ghardaïa est soumise à un régime d'état d'urgence non décrété officiellement, qualifiant cet état de fait "de crime contre toute une région". "On est revenu à l'ère du règne dynastique où le roi décide seul", a-t-il dénoncé, avant d'ajouter que "livrer toute la région aux services de sécurité est très dangereux". Concernant les demandes du Dr Fekhar, les deux avocats ont rappelé que leur mandant exige toujours sa libération et celle de tous ceux qui ont été arrêtés dans les mêmes conditions, des réponses à ses multiples requêtes et plaintes et la convocation de hauts responsables par la justice pour répondre de leurs déclarations publiques sur les événements de Ghardaïa. Mohamed Mouloudj