Me Salah Dabouz, membre du collectif d'avocats constitué dans l'affaire dite du Dr Fekhar, revient, dans cet entretien, sur le traitement par la chambre d'accusation du dossier et son renvoi au tribunal criminel. Il estime que la célérité, nouvelle et soudaine, avec laquelle les autorités concernées ont ouvert le dossier, dénote d'une volonté de juger les détenus, près de deux ans après leur arrestation, pour justifier une détention qui n'a que trop duré. Liberté : L'affaire du Dr Fekhar et de ses codétenus a été enrôlée avant-hier par la chambre d'accusation et renvoyée devant le tribunal criminel. Cette procédure est-elle légale eu égard au retard enregistré dans le traitement par la justice de cette affaire ? Me Salah Dabouz : La procédure de renvoyer l'affaire des détenus de Ghardaïa devant le tribunal criminel est une procédure prévue par la loi. Mais il se trouve que le Dr Kameleddine Fekhar conteste une instruction faite uniquement à charge. Il conteste, également, d'autres violations de ses droits pour lesquels il n'a obtenu aucune réponse à ses multiples plaintes. C'est ce qui nous donne l'impression d'être devant une fuite en avant de la part des gens qui sont derrière ce dossier. Cela dit, il est tout à fait normal pour le Dr Fekhar de chercher d'autres voies et moyens, notamment au niveau international pour se défendre convenablement. Vous avez relevé le fait que le collectif d'avocats a constaté que des irrégularités et même des fautes graves ont marqué et le dossier et la procédure, pouvez-vous être plus explicite ? L'obligation de réserve et le respect du secret d'instruction nous obligent à ne pas communiquer sur le contenu du dossier, mais seulement sur les procédures et les conditions de détention qui font partie des droits de la défense. Néanmoins, je confirme que de graves dérives ont été relevées dans les rapports de la police judiciaire qui vont dans le même sens que le comportement des services de sécurité lors des affrontements violents qui ont secoué la région de Ghardaïa. Le collectif a aussi évoqué le volet politique de l'affaire, qu'en est-il réellement ? Un massacre a eu lieu le 7 juillet à Guerrara, une réunion s'est tenue à la présidence de la République le 8 juillet, laquelle a été consacrée, exclusivement, aux problèmes de Ghardaïa et à l'arrestation du Dr Fekhar ainsi que d'autres citoyens dans un lieu de prière en dehors des dispositions légales. Donc, pour nous, il s'agit sans aucun doute d'une décision politique. Le procureur général a adressé une note au directeur de la sûreté de wilaya lui demandant d'entamer une enquête préliminaire. Cela étant, il n'avait aucun élément lui permettant de procéder à l'arrestation du Dr Fekhar mais il l'ordonna quand même dans la même lettre, ce qui constitue une grande contradiction. Nous pensons que le procureur général est, peut-être, influencé par l'Exécutif surtout après avoir entendu le wali de Ghardaïa dire qu'il décide de mettre des gens sous contrôle judiciaire après avoir consulté sa hiérarchie et il se trouve qu'aucune autorité ne l'a démenti. Le renvoi de l'affaire devant le tribunal criminel s'est fait, comme vous l'avez relevé, avec célérité, quelle lecture en faites-vous ? Je pense que ceux qui sont responsables de l'arrestation et de la détention du Dr Fekhar et de tout un groupe de citoyens n'ont pas d'arguments valables en adéquation avec les lois pour justifier ce que j'appelle les violations des droits de l'homme, surtout vis-à-vis des instances internationales qui commencent à s'intéresser à ce dossier. J'ai bien peur que ceux qui sont responsables de cette situation cherchent à les juger juste pour justifier leur détention. Sauf que, nous avons, le Dr Fekhar et moi-même, préparé des réactions à toutes les situations possibles pour nous défendre, car il s'agit aussi de mon cas en tant qu'avocat de ces détenus qui dérange un peu et qui subit des pressions.