À l'issue de sa visite en Algérie, la semaine dernière, le candidat à la présidentielle française, Emmanuel Macron, a bien voulu répondre aux questions de Liberté sur le contenu des entretiens qu'il a eus, à Alger, avec différents responsables politiques et acteurs économiques (*). Liberté : M. Macron, vous venez de passer 48 heures à Alger en tant que candidat à la présidentielle française. Quel bilan tirez-vous de vos rencontres ? Emmanuel Macron : D'abord, je voudrais remercier les Algériens pour leur accueil si chaleureux ! Ce séjour a été intense et riche en échanges, en partage et en émotion. J'en tire un bilan très positif. J'étais heureux de revenir en Algérie, cette fois pour poser en tant que candidat à la présidence de la République un diagnostic partagé sur les relations franco-algériennes et proposer un nouveau partenariat entre nos deux pays, un cadre négocié autour de projets concrets, portés par des femmes et des hommes qui croient en notre avenir commun. Le Premier ministre Abdelmalek Sellal vous a reçu près de deux heures durant. Sur quoi ont porté les discussions ? Avec le Premier ministre, nous avons évoqué de très nombreux sujets, à la fois internationaux, régionaux et bilatéraux. Nous avons parlé de la situation au Moyen-Orient, en Libye et au Mali. Nous avons échangé sur les perspectives de coopération en Afrique et dans le bassin méditerranéen. Nous avons partagé nos analyses sur la lutte contre le terrorisme. Nous sommes revenus sur les dossiers économiques sur lesquels nous avions déjà travaillé ensemble lorsque j'étais ministre, autour de projets industriels franco-algériens, du développement du numérique, de programmes écologiques également dans le domaine des énergies renouvelables. Nous avons parlé d'éducation, de formation, de promotion de la francophonie. Et même de culture, de traditions artistiques et de musique ! Tout cela a bien rempli nos deux heures d'entretien ! C'était évidemment passionnant. Comme Mme Guigou qui était là la semaine dernière, vous avez aussi rencontré deux ministres à la tête de départements sensibles, à savoir celui de l'Education et celui des Affaires religieuses. De quoi avez-vous parlé essentiellement avec ces deux ministres ? Avec la ministre de l'Education nationale, nous avons beaucoup parlé de l'apprentissage du français et du plurilinguisme. Comme Mme Benghabrit-Remaoun, je pense que le fait de parler plusieurs langues est un atout considérable pour la jeunesse d'aujourd'hui. La francophonie en Algérie reste forte, mais la ministre m'a expliqué qu'il fallait entreprendre des réformes importantes sur les programmes et l'évaluation pour encourager la pratique du français. La France doit travailler avec l'Algérie dans ce sens. La formation des professeurs est aussi un point fondamental, en Algérie comme en France. Avec le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, trois sujets très importants ont notamment été évoqués : la question de la représentativité de l'islam en France, la formation des imams dans nos deux pays et la lutte contre la radicalisation de la jeunesse. Tous ces échanges étaient précieux pour moi. L'économie n'a pas été en reste puisque vous avez aussi rencontré des hommes d'affaires à travers le FCE et le président de Cevital, Issad Rebrab. Comment évaluez-vous cette économie et la place qui devrait revenir à l'entreprise ? Oui, l'économie est très importante car nous souhaitons en particulier construire un partenariat renouvelé entre nos deux pays à travers des projets dans les domaines de l'industrie, des services, de l'agroalimentaire, du numérique et, bien sûr, de la transition énergétique et écologique. La France peut accompagner l'Algérie dans la diversification de son économie. La France est un partenaire fiable pour développer de nouvelles infrastructures en Algérie. Le FCE et le président de Cevital partagent, je crois, cette vision et cette ambition. L'Afrique vous intéresse car elle sera l'avenir de l'Europe en matière d'investissement. Quelle approche préconisez-vous ? Tout à fait, nous avons d'ailleurs beaucoup parlé d'Afrique avec mes différents interlocuteurs durant mon séjour en Algérie. L'Afrique est un continent d'opportunités — le ministre d'Etat Ramtane Lamamra m'en a beaucoup parlé — et où nos deux pays peuvent travailler ensemble. Mon approche en la matière est résolue et avant tout partenariale. Elle vise à favoriser le commerce, la paix et la sécurité entre nos pays. Comment s'est passée la rencontre avec la communauté française, entre la droite et la gauche classiques ? Y a-t-il une place pour votre mouvement En marche ! ? Cette rencontre a été très chaleureuse. Le mouvement En Marche ! est actif parmi la nombreuse communauté franco-algérienne. J'étais très heureux de rencontrer les membres ou les sympathisants de notre mouvement et de répondre en direct à leurs questions. J'ai admiré leur énergie et leur enthousiasme ! Sondages mis à part, comment le candidat Emmanuel Macron évalue-t-il ses chances à cette présidentielle 2017 ? En Marche ! est un mouvement collectif. Nous sommes déterminés, au service des Françaises et des Français. Notre objectif est de bâtir un nouveau projet politique, de libérer les énergies dans notre pays, de renforcer les protections tout en créant de nouvelles opportunités pour tous. Notre ambition, c'est aussi de fonder avec nos plus proches partenaires, dont l'Algérie, une diplomatie ouverte et solidaire. Entretien réalisé par : Abrous Outoudert (*) L'entretien a été réalisé avant le début de la polémique en cours sur les déclarations de M. Macron qualifiant la colonisation de crime contre l'humanité.