Il accuse ses détracteurs de vouloir utiliser ses propos à des fins électoralistes. Le sujet de la guerre d'Algérie est encore tabou en France. Le candidat à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron, l'a vérifié à ses dépens ces trois derniers jours en suscitant, à droite comme dans l'extrême droite, un tollé, à la suite de ses propos la semaine dernière, à Alger, sur la colonisation, qu'il avait qualifiée de crime contre l'humanité. Pour clarifier sa pensée, le leader du mouvement En marche ! a enchaîné, jeudi, deux interviews, l'une pour la radio RTL et l'autre pour le journal Le Figaro. Il s'est exprimé plus tôt dans la journée dans une vidéo postée sur son compte Facebook où il a défendu sa position, en tentant toutefois de l'édulcorer. Accusant ses détracteurs de vouloir "instrumentaliser (l'histoire de la France et ses propos) à des fins clientélistes et électoralistes", l'ancien ministre de l'Economie estime qu'il faut cesser de refouler le passé. "L'équivalent d'une vie d'homme s'est écoulé depuis la fin de la guerre d'Algérie. Ma génération ne l'a pas connue. Sommes-nous condamnés, à jamais, à vivre dans l'ombre de ce traumatisme pour nos deux pays ? Il est temps de clôturer ce deuil. Il faut pour cela avoir le courage de dire les choses", a-t-il affirmé. Au Figaro, il a indiqué que la France est "restée bloquée par les passions tristes de son histoire" et une tendance à l'hémiplégie qu'il ne revendique pas pour sa part. "La colonisation a bel et bien comporté des crimes et des actes de barbarie que nous qualifierons aujourd'hui de crimes contre l'humanité. Pour autant, cela ne veut pas dire que celles et ceux qui vivaient en Algérie et servaient dans l'armée française étaient des criminels contre l'humanité. Car le seul responsable est l'Etat français", a martelé Emmanuel Macron, en se défendant, toutefois, de vouloir être le chantre de la repentance. Il a, par ailleurs, indiqué que le devoir de mémoire de l'Etat français doit aussi couvrir les autres protagonistes de la guerre d'Algérie, comme les harkis et les pieds-noirs. Ces précisions ne devront pas toutefois faire cesser la polémique à laquelle se sont adjoints quelques responsables de la gauche, comme la ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, qui a mis les pieds dans le plat, estimant qu'à la place de Macron, elle n'aurait pas utilisé la notion de crimes contre l'humanité pour qualifier la colonisation car "c'est une notion juridique particulière et qu'il faut utiliser les bons mots au bon endroit". "Le crime, c'est Emmanuel Macron qui vient de le commettre", s'est offusquée, de son côté, la présidente du FN, Marine Le Pen. Son bras droit, Florian Phillipot, a, quant à lui, reproché au dirigeant d'En Marche ! d'avoir omis d'évoquer le rôle positif de la France en Algérie, qui a laissé derrière elle des routes, des écoles, des hôpitaux, la langue et la culture. À droite, la première salve est venue de François Fillon, lui-même. Englué dans les démêlés judiciaires provoquées par les emplois fictifs des membres de sa famille, le candidat des Républicains à l'Elysée a trouvé néanmoins le temps pour poster un tweet outragé. "Monsieur Macron a osé dire que la colonisation était un crime contre l'humanité. Cette repentance permanente est indigne", s'est-il offusqué. Jean-Frédéric Poisson, qui avait été éliminé de la primaire de l'ex-UMP, est lui aussi monté au créneau, évoquant "une insulte à la France" qui "disqualifie celui qui voudrait la diriger". D'autres figures du parti ont également réagi, à l'image de Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône qui a appelé à "rejeter l'idéologie de la repentance si chère à la gauche", ou de l'ancien ministre de la Défense, Gérard Longuet, pour qui Macron "méprise la souffrance du million de déracinés d'Algérie qui ont fait le choix de la France en 1962". De Paris : Samia Lokmane-Khelil