Malgré les assurances du ministre de la Santé, la campagne nationale de vaccination contre la rougeole et la rubéole dans les établissements scolaires suscite beaucoup d'inquiétudes chez les parents d'élèves. En effet, à Béjaïa, beaucoup refusent que leurs enfants soient vaccinés. "À l'école où est scolarisé mon fils, la vaccination est programmée pour ce jeudi. Honnêtement, je nourris le doute sur tout ce qui se dit sur ce vaccin et je refuserai que mon fils soit vacciné", nous a déclaré K. Hamid, un parent d'élève. La mère d'un écolier abonde dans le même sens. "J'ai refusé que mon fils soit vacciné car le fait que le surveillant général ait demandé aux élèves de ramener une autorisation parentale m'en a dissuadée", nous a-t-elle déclaré. Le père de deux collégiens, fonctionnaire de son état, Zahir D., lui aussi, a refusé la vaccination de ses enfants. "Je trouve que c'est inquiétant qu'on nous demande des autorisations pour vacciner nos enfants. C'est louche pour moi", a-t-il aussi déclaré. Une dame d'El-Kseur, de passage, affirme qu'elle "a refusé que ses enfants soient vaccinés. La plupart des parents dans notre localité ont fait de même. Une rumeur circule qu'une élève est décédée après sa vaccination". À notre question de savoir dans quelle localité cette élève est morte, elle n'était pas en mesure de nous répondre. C'est dire le poids qu'a pris la rumeur dans cette campagne de vaccination. À signaler qu'ici à Béjaïa, les chefs d'établissement n'ont remis aucun formulaire à faire signer par les parents. La demande a, néanmoins, été faite verbalement aux élèves. Le directeur de l'école primaire Hitouche a confirmé avoir affiché dans son école "une note à l'attention des parents d'élèves dans laquelle j'ai expliqué qu'une campagne de vaccination des élèves contre la rougeole et la rubéole est prévue. Les élèves sont tenus de ramener leur carnet de soins". L'intervention de Boudiaf a jeté le trouble L'intervention du ministère de la Santé pour rassurer les parents n'a pas eu l'effet escompté à Oran. Au contraire, elle a jeté le trouble. "En déclarant que les vaccins sont contre-indiqués chez les enfants vulnérables souffrant de fièvre et/ou porteurs de maladies infectieuses, d'une maladie du sang, d'insuffisance rénale, d'anémie ou encore lors des phases préopératoire ou postopératoire, M. Boudiaf n'a fait qu'enfoncer le clou car les équipes de vaccination n'ont pas les carnets de santé des enfants scolarisés et ne sollicitent pas les parents sur les cas de maladies citées. Les équipes viennent souvent dans l'urgence et vaccinent", regrette un parent d'élève, cadre dans une entreprise économique. En outre, la campagne de sensibilisation où les différentes parties concernées (la santé, l'éducation, les associations de parents d'élèves) devraient se concerter n'a pas eu lieu. Et pour enfoncer le clou, le ministère de la Santé veut sévir contre les formulaires du refus de vaccination remis aux parents, ce qui a semé davantage le doute. Certains chefs d'établissement, et vu la tournure qu'a prise cette campagne, refusent d'endosser la responsabilité et invitent les parents à faire savoir leur avis en émargeant sur la liste de la classe de leurs enfants. Même les médecins réquisitionnés sont désemparés et le font savoir en aparté : "Le médecin est devenu suspect." Constantine : des médecins appellent à observer un temps de recul Hier, à Constantine, au deuxième jour de la campagne de vaccination contre le rougeole et la rubéole, les mêmes appréhensions étaient toujours présentes. La nouveauté, si l'on ose dire, est l'implication du corps médical qui, bien que sous le couvert de l'anonymat, appelle à la prudence. Selon des sources locales, les médecins engagés dans l'opération ne cessent de demander à leur hiérarchie de reporter la campagne. C'est le cas de certains épidémiologistes exerçant dans la région de Constantine. Pour le docteur Amira, appelons-là ainsi, et qui exerce dans un service de prévention, "le geste purement médical est en passe de devenir une épreuve traumatisante pour des enfants en bas âge". Le même avis est partagé par une directrice d'une école située dans le secteur urbain de Sidi-Mabrouk qui nous a exprimé sa peur "de voir la relation entre l'enfant et la notion de prévention sanitaire se briser, à jamais, après la perte de la confiance entre les parents et tout ce qui se décide par les gouvernants". Pour certains parents d'élèves rencontrés, hier, en début de journée, le ministère de la Santé, et au lieu de menacer de recourir à la justice, ferait mieux de convaincre ses propres médecins et autres paramédicaux et par la preuve scientifique du bien-fondé de sa politique de prévention. Hier, aucune statistique n'a été donnée sur le déroulement de l'opération à Constantine. Pour la veille, soit le premier jour, selon une source proche de la Direction de la santé, moins de 50 élèves ont été vaccinés sur tout le territoire de la wilaya avec 16 cas à Aïn Smara. Entre-temps, une véritable psychose s'est installée et des dizaines d'élèves sèchent carrément les cours depuis deux jours.
Tizi Ouzou : la Direction de la santé rassure Après le lancement de la campagne de vaccination qui avait pourtant bien démarré, avant-hier lundi, à travers toutes les écoles primaires et les collèges de Tizi Ouzou, s'en est suivie la réticence de quelques parents d'élèves qui ont émis des doutes sur la fiabilité du vaccin malgré les assurances du ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf, et du représentant de l'OMS en Algérie. Face à cette situation, le Dr Abdenacer Bouda, directeur de la santé pour la wilaya de Tizi Ouzou, a tenu lancer un appel, hier, sur les ondes de la radio locale pour rassurer les parents d'élèves et leur demander de faire vacciner leurs enfants sans aucune crainte car il y va de la santé de leur enfant. "En plus des appels à la radio locale, nous avons convenu d'une grande réunion aujourd'hui dans les locaux de l'école de formation paramédicale avec les associations des parents d'élèves de la wilaya pour les rassurer sur la nécessité de vacciner tous les élèves sans aucune appréhension et je pense que la situation s'apprête à se normaliser pour contrer cette malheureuse campagne de désinformation qui va à l'encontre de la protection de la santé de la population", dira le DSP, qui nous a confirmé, hier après-midi, que la wilaya a reçu un quota de 173 860 doses de vaccin pour une population scolaire estimée à 156 190 élèves, ce qui a nécessité la mobilisation de 85 médecins et 210 infirmiers pour mener à bien cette opération. L. OUBIRA/M. KEZZAR/N. BENABBOU/M. HAOUCHINE