Le guide libyen est revenu à la charge. Dix-sept ans après. Il nous propose l'union. Et comme, en ce temps-là, ni Chadli ni personne n'avait osé lui refuser l'incroyable mariage, l'Algérie s'apprêtait à voter une constitution de la fusion algéro- libyenne. Il avait fallu le sacrifice de centaines de jeunes manifestants pour nous épargner la brusque alliance. La coïncidence entre le ras-le-bol juvénile et la campagne pour le référendum unitaire avait pu sauver l'Algérie de ce mariage improvisé. Il faut dire que de notre côté, nous ne sommes pas toujours à l'abri de désinvoltes résolutions. Et nos dirigeants savent être parfois imprévisibles. Le Sahel est-il devenu trop restreint pour ses safaris pour que Kadhafi l'Africain songe à élargir son espace d'évolution à notre Sahara national ? Et c'est devant notre “société civile”, du moins celle qui a été ainsi désignée et triée pour lui servir d'auditoire, que le colonel a réitéré sa démarche. Depuis notre indépendance, ce sont nos “frères” qui nous courtisent. Après les Egyptiens, ce fut au tour des Iraniens et, par deux fois donc, des Libyens qui ont l'amabilité de nous mitonner un destin à la mesure de l'attention qu'ils nous portent. Le problème, c'est qu'ils ont souvent trouvé des oreilles attentives à leurs stratégies. Dire qu'on aurait pu vivre dans la république ou la Djamahyria algéro-libyenne ou dans quelque “troisième voie” depuis 1988 ! Mourir par centaines de milliers pour se sortir de l'influence d'une puissance et se laisser bercer par le chant des sirènes mythiques ! Il faut comme une dissolution du patriotisme pour en arriver là. Le lendemain de cette généreuse avance, Kadhafi invité du conseil national du FLN, donne un aperçu de sa conception des relations avec la société : il commence par évacuer tous les journalistes invités à couvrir le conseil et s'assurer que seule “la presse officielle” était représentée dans la salle, avant de prendre la parole devant les dirigeants de l'ex-parti unique. Il est vrai que les choses ont changé en vingt ans. Même en Algérie, malgré la résistance souvent musclée du système. Et Mouammar Kadhafi, soumis par la contrainte à la convenance internationale, n'a plus que l'indulgence de ses fraternels hôtes pour continuer, hors de la Libye, son exercice de la dissertation libre. Mais le guide libyen, d'habitude amateur de communication, a congédié les journalistes de la presse privée avant de s'adresser à huis clos au principal parti au pouvoir. Pourquoi, parvenu en fin de croisière, Kadhafi s'est-il imposé une telle précaution ? Est-ce parce qu'il a, à nouveau, de sérieuses intentions ? Tellement sérieuses qu'il n'a pas souhaité les exposer au libre commentaire. M. H.