"À court terme, l'Algérie est à l'abri d'une crise de balance des paiements, mais sans une maîtrise rapide des finances publiques et une diversification de son économie, le pays pourrait être confronté à une crise de plus grande ampleur", relève la Commission économique pour l'Afrique (CEA), des Nations unies, dans son dernier "profil pays" publié récemment. La CEA indique que la durabilité de la baisse des prix du pétrole appelle à un programme de réformes profondes pour rationaliser les dépenses publiques sans essouffler le moteur de la croissance, l'investissement public. Dans ce cadre, à l'instar de pays comme la Malaisie, l'Indonésie ou l'Inde, la Commission économique pour l'Afrique recommande la mise en place d'une unité de pilotage des principales réformes à mettre en œuvre. Cette unité serait placée sous l'autorité du Premier ministre. "La lenteur et les difficultés avec lesquelles les réformes sont mises en œuvre appellent la création d'une structure formelle dotée de l'autorité nécessaire pour faire avancer les réformes et lever les obstacles qui se dressent dans leur mise en œuvre", souligne la CEA, suggérant, également, l'adoption "d'une plus grande lisibilité dans sa politique économique, et de communiquer davantage, tant en direction de la société civile que de l'extérieur, sur les réformes mises en œuvre". La CEA estime que "le défi des réformes pose celui de la gouvernance publique, notamment pour améliorer les capacités de pilotage des réformes économiques et de leur mise en œuvre". Pour la CEA, l'Algérie dispose de marges de manœuvre importantes pour résorber le déficit des finances publiques, en agissant tant du côté des ressources que des dépenses. Toutefois, avertit la CEA, "la réduction des dépenses, si elle est réalisée de manière brutale, peut avoir un effet contre-productif en ralentissant la croissance et plonger à terme le pays dans une récession". Cela tient au fait que la croissance du produit intérieur brut (PIB) hors hydrocarbures dépend fortement des dépenses publiques. La composante "endogène" (indépendante des dépenses publiques) de la croissance demeure trop faible. Ainsi la réduction du déficit budgétaire doit nécessairement s'accompagner de réformes ambitieuses pour créer les conditions d'une croissance économique moins tributaire des dépenses publiques. Selon la CEA, la réduction du déficit budgétaire doit répondre à plusieurs contraintes : limiter l'impact négatif sur la croissance, tenir compte d'une inertie des ressources fiscales à court et moyen termes et améliorer l'impact de la dépense publique à la fois sur le potentiel de croissance et sur la croissance. Le financement du déficit budgétaire, estime la Commission, passe soit par l'accroissement des ressources (hausse de la fiscalité), soit par le recours à l'endettement. La fiscalité pétrolière étant tributaire des cours du pétrole, elle ne constitue pas un outil sous le contrôle direct des pouvoirs publics. La fiscalité ordinaire est, en revanche, un gisement important pour les finances publiques. L'accroissement des recettes fiscales passe par un élargissement de l'assiette (l'impôt repose aujourd'hui sur un nombre encore limité de contribuables et de wilayas), un accroissement des capacités de collecte de l'impôt, et une réforme de la fiscalité qui devrait comprendre, entre autres, un développement de la fiscalité locale et une extension de l'assiette fiscale. Cependant, estime la CEA, l'accroissement de la fiscalité prend du temps : à court terme, l'Etat doit donc recourir à d'autres moyens pour accroître ses ressources. Le recours à l'emprunt externe, à moins d'une remontée significative du prix du baril, paraît inévitable, affirme la CEA, indiquant que "face à l'ampleur du déficit (près de 27 Mds de dollars en 2015), l'endettement interne ne sera pas suffisant pour financer le déficit budgétaire". La CEA assure que dans la mesure où le pays dispose de réserves de changes suffisantes qui le mettent à l'abri d'un problème de balance des paiements à moyen terme, l'endettement externe ne se ferait bien évidemment pas dans les mêmes conditions que dans les années 1990. Cependant, ajoute la commission, "les conditions d'un tel emprunt dépendent de la capacité du pays à engager rapidement des réformes de grande ampleur". Une troisième voix pour augmenter les ressources, suggérée par la CEA, consiste à ne plus financer tous les projets d'investissement sur le budget de l'Etat, à faire preuve d'innovation (notamment financière) dans le financement de certains projets. Des amendements ont été introduits dans le code des marchés publics en 2015, afin d'introduire, pour la première fois, la délégation de services publics (DSP) qui permet au secteur privé d'exploiter des infrastructures fournissant des services. Pour la CEA, il faudrait cependant aller au-delà de la DSP, vers le partenariat public-privé qui permet au secteur privé de financer et d'exploiter des infrastructures fournissant un service public. Meziane Rabhi