Dans cette affaire, l'Algérie risque de perdre plusieurs milliards de dollars par an. Ce qui n'était qu'une éventualité, il y a quelques mois, est devenu, pour ainsi dire, une réalité. L'Italie ne renouvellera pas son contrat d'importation de gaz à long terme (par gazoduc) avec l'Algérie. L'annonce a été faite par le ministre italien du Développement économique, Carlo Calenda. L'Algérie, selon lui, ne pourrait plus à l'avenir honorer ses engagements internationaux en livraison de gaz du fait de sa forte consommation intérieur. "En 2019, le contrat algéro-italien d'approvisionnement par gazoduc va expirer, les volumes de notre fournisseur-clé vont, en tout cas, s'effondrer pour plusieurs raison, dont l'augmentation de la demande locale", a confié Carlo Calenda, dans une déclaration rapportée par le média italien Il Sole 24 Ore. "À présent, l'Italie importe 45% du gaz russe. Les autres grands fournisseurs sont l'Algérie et la Libye." Ces dernières, estime le ministre italien, restent "des régions instables". Cette situation engendrera un déficit de 14 milliards de m3 d'approvisionnement de l'Italie en gaz d'ici à 2019/2020 que l'Italie comblera, selon le ministre, par des contrats à long terme avec les Pays-Bas (2020), puis avec la Norvège (2026). Evoquant l'importance de diversifier les sources d'approvisionnement pour l'Italie, le ministre, en plus des contrats longs termes qui seront signés avec les Pays-Bas et la Norvège, insiste sur le projet du gazoduc transadriatique (TAP) visant l'acheminement du gaz naturel azerbaïdjanais vers l'Europe. La capacité initiale du TAP, qui sera mis en service en 2020, sera de 10 milliards de m3 par an et devrait atteindre au plus tard 20 milliards de mètres cubes. Du gaz azerbaidjanais à la rescousse En réaction à ces déclarations, le ministre de l'Energie, Noureddine Boutarfa, a révélé sur une chaîne de télévision privée que cette déclaration vient suite à "l'annonce que l'Algérie veut transformer localement son gaz pour avoir plus de valeur ajoutée et accroître ses ressources en devises, qui préoccuperait la partie italienne". Pour lui, les déclarations du ministre italien relèvent d'un "problème italo-italien". Pas si sûr que cela. L'on se souvient que suite à l'annonce faite, en décembre 2015, par l'italien ENI de sortir des contrats gaziers de longs termes conclus avec l'Algérie, la Russie et la Norvège ; l'Algérie, n'ayant d'autre choix que d'agir pour affiner sa stratégie de négociation et sauvegarder sa place, s'est prononcée pour une reconsidération des contrats à long terme au vu des demandes des clients européens. Le non-renouvellement du contrat gazier avec l'Italie constitue pour l'Algérie la perte de son premier acheteur du gaz. Par ailleurs, cette rupture signerait l'acte de décès du projet Galsi. Le gazoduc Galsi, qui visait l'exportation de 8 milliards de mètres cubes de gaz algérien par an, vers l'Italie, végète depuis 2003, année de son lancement. Ce projet devait reprendre en novembre 2014, mais il bute sur la pression de la partie italienne qui veut un prix spot plutôt qu'un prix à long terme tel que revendiqué par l'Algérie. Enfin, les conséquences que cela aura sur les négociations autour des contrats à terme qui expireront pour l'Algérie entre 2018/2019 avec les autres partenaires (français et espagnoles). Les difficultés que rencontre Sonatrach pour vendre son gaz naturel en Europe, où ses principaux clients ont tendance à revoir à la baisse les quantités contractuelles, sont en partie dues à l'arrivée de nouveaux producteurs de gaz sur le marché qui fait planer des risques sur l'Algérie voyant ainsi ses parts de marché dans le Vieux Continent se rétrécir comme peau de chagrin. Avec la baisse des prix du gaz, de nouveaux producteurs de gaz sont en train d'imposer un marché gazier mondialisé avec des prix spot défiant les contrats longs termes indexés sur le prix du pétrole. D'où les pressions exercées sur l'Algérie. Ainsi, face à la pression des partenaires européens qui veulent l'indexation du gaz acheté sur les prix spot, la part de marché du gaz algérien sur le Vieux Continent risque de ne plus permettre au pays d'engranger des recettes à même de remédier à une situation économique des plus critiques. Saïd Smati