En choisissant à la première occasion de recourir à l'option militaire dans le conflit syrien, le nouveau président des Etats-Unis ne cherche-t-il pas à faire taire les voix lui ayant reproché d'être inféodé à Moscou avant même son élection ? Le bombardement US de la base militaire syrienne de Khan Cheikhoun, que des analystes ont qualifié de "coup d'éclat" de Donald Trump, soulève moult interrogations. La préparation et le déroulement de ces frappes américaines laissent supposer qu'il ne s'agit pas d'une action menée rien que pour montrer que les Etats-Unis sont toujours les champions de l'interventionnisme. Le fait que la Russie ait été informée à l'avance de ces raids punitifs, et que les quartiers russes dans cette base militaire n'aient pas été touchés, et que même la partie iranienne n'a subi aucun dommage, confirme que Washington ne voulait pas d'un conflit direct avec Moscou. À noter également que selon le Pentagone, les missiles Tomahawk américains ont visé particulièrement des avions syriens, des hangars aériens renforcés, des stockages de pétrole, de munitions, des défenses anti-aériennes et des radars. En outre, la piste de décollage des avions n'a pas été visée, parce qu'il semblerait que les missiles Tomahawk ne sont pas assez puissants pour créer des dommages suffisants, d'après un haut responsable militaire américain. D'ailleurs, deux avions syriens ont décollé de la base aérienne frappée vendredi par les Etats-Unis et ont mené des raids dans les environs, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Les appareils "ont décollé depuis la base d'Al-Chaayrate, qui est de nouveau en partie en service, et ont frappé des cibles près de Palmyre dans le centre de la Syrie", a précisé la même source. Voilà des faits qui laissent penser que les bombardements ordonnés par Donald Trump ne seraient qu'un coup d'éclat visant à faire diversion en cette période où le nouveau président des Etats-Unis fait face à une multitude de problèmes notamment au niveau interne. Outre les difficultés à faire passer son décret sur l'immigration clandestine, il a dû retirer à la dernière minute son projet visant à abroger la loi sur la santé promulgué par son prédécesseur "l'Obamacare". Par ailleurs, la Russie donne l'impression de comprendre ce geste, même si elle a usé de termes virulents pour le condamner en évoquant une "agression" contre un pays indépendant et un "viol" de la loi internationale. Néanmoins, la Russie ne verse pas dans la précipitation et préfère attendre la visite à Moscou du secrétaire d'Etat américain, Rex Tillerson, prévue les 11 et 12 avril, pour lui demander des explications sur ces frappes en Syrie. "La visite est à l'ordre du jour. Qu'il vienne et qu'il nous explique ce qu'ils ont fait aujourd'hui. Nous lui dirons tout ce que nous en pensons", a déclaré à l'antenne de la télévision NTV la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. Cette dernière a ajouté : "Nous attendons ses explications", en indiquant au passage que la diplomatie russe avait eu des contacts vendredi avec les Américains à propos des frappes et de cette visite. Il va falloir attendre pour être mieux fixé sur les intentions des uns et des autres, et pour savoir s'il ne s'agit pas d'un scénario écrit à l'avance. Merzak Tigrine