Résumé : Kahina dévoile à Tahar qu'elle se trouvait là pour une éventuelle couverture médiatique de la manifestation, mais qu'elle n'était absolument pas certaine d'être à la hauteur. L'artiste la rabroue. Il se remet à se gratter la joue droite et je m'aperçois que ses cheveux avaient blanchi davantage par endroits, et que sa barbe hirsute était plutôt grise. En quatre ans, l'artiste avait vieilli. -Viens, allons prendre un café et discuter comme deux grands enfants. Je le suis jusqu'à la cafeteria, et il s'installe en face de moi pour me taquiner davantage. -Rym ou Kahina ? Je souris. -À ta guise. -Alors je préfère Kahina. La reine des Aurès. Tu sais qu'à chaque fois que je passe par Batna, je ne peux m'empêcher de penser à toi ? -La ville des Aurès doit bien t'inspirer. -Et comment donc ! Ma mère est kabyle et mon père est chaoui. Deux Berbères qui se rencontrent et donnent naissance à un fou comme moi. Impressionnée par des propos aussi crus, je le regarde dans les yeux avant de lancer : -Tu portes en toi, comme un objet précieux, la fierté de tes origines. Il sourit. -Tu l'as compris. Tu es une reine. Et pas n'importe laquelle. -Oh ! Je ne suis pas celle que tu crois, Tahar. Je suis juste une jeune écervelée qui se cherche encore. Je ne suis pas comme la Kahina dont tu parles. Il repousse d'un geste nerveux une mèche de cheveux qui tombait sur ses yeux, puis prend une gorgée de café, avant de me répondre d'une voix autoritaire : -Ne tentes jamais de me contrarier, Kahina. Mes idées sont claires, et lorsque je prononce un mot, il atteint, telle une flèche, rapidement son but. Je sais de quoi je parle, et mon expérience de la vie est bien plus complète que la tienne. -Je n'en disconviens pas. -Ne m'interrompt pas. Je dois dire ce que je pense jusqu'au bout. La Kahina était la reine des Aurès, Celle que Okba Ibnou Nafaâ a décapitée. Sa tête avait été envoyée au roi de Damas en Syrie. On devait prouver qu'elle avait combattu et était morte les armes à la main. Malgré lui, l'ennemi avait dû reconnaître sa défaite dans sa victoire. Cette femme avait livré une guerre féroce à ses adversaires, avant de rendre l'âme. Elle n'aurait pas rougi à mes propos. Oh non ! Je soupire. -Oui. Elle, c'est Daya. -Dihya. Une reine berbère, avec tous les honneurs que cela suppose. On l'appelait la kahina, la sorcière, un peu comme Jeanne d'Arc. Quelqu'un s'approche de Tahar et interrompt notre conversation. Une rencontre avec les artistes et une conférence de presse étaient prévues au niveau de la grande salle du théâtre. (À suivre) Y. H.