Les initiatives visant à intensifier la production et à accélérer la modernisation du secteur agricole algérien en alliant mesures gouvernementales et capitaux du secteur privé commencent à porter leurs fruits. Les investisseurs étrangers ont signé tout un ensemble de nouveaux contrats qui devraient permettre d'alléger la facture des importations de produits alimentaires dans les années à venir. La création d'une co-entreprise a été envisagée en janvier entre Tifra Lait, acteur local du laitier, et l'American International Agriculture Group. Son objectif consiste à augmenter la production agricole de 22 000 tonnes de céréales, de 105 tonnes de fourrage pour bétail, de 190 millions de lait et de 20 000 tonnes de viande rouge par an. Différents projets considérés seraient ainsi lancés sur 25 000 hectares de terres répartis dans toute la wilaya d'Adrar située dans le sud du pays pour un coût total d'environ 281,4 millions d'euros. La presse internationale a également relayé fin février que le ministère de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche (MADRP) a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour l'investissement dans 28 exploitations pilote (terres arables et élevage). Conformément au droit algérien de l'investissement, la participation des entreprises retenues sera plafonnée à 49%. Une dépendance des importations En visant à attirer les investisseurs étrangers, le gouvernement souhaite également affranchir le pays de sa dépendance des importations de produits alimentaires. Le programme "Felaha 2019", lancé par le MADRP en juin 2016, vise à alléger la facture des importations alimentaires pour la faire passer de 9,3 milliards de dollars en 2015 à 2 milliards de dollars d'ici à 2019. Le gouvernement mise sur l'amélioration de sa production intérieure en ciblant l'irrigation et la mécanisation. En vertu du programme "Felaha 2019", plus de 2 millions d'hectares de terres seront irriguées d'ici à 2019, ce qui devrait faire grimper la croissance annuelle de 5% pour une production valorisée à 4,3 milliards de dinars algériens (36,6 millions d'euros). En parallèle, environ 1,5 million d'emplois seront créés, dont 400 000 dans la pêche, auxquels devraient s'ajouter 80 000 postes supplémentaires. Sur le plan de la mécanisation, le programme vise le ratio d'une moissonneuse-batteuse pour 300 hectares, contre 400 hectares actuellement. Le nombre de tracteurs sera également relevé en passant d'un tracteur pour 100 hectares à un tracteur pour 70 hectares. Ces mesures viendront compléter une subvention existante en vertu de laquelle un tracteur produit en Algérie est financé jusqu'à 30% de son prix. Des progrès ont été enregistrés l'année dernière : le montant des importations de produits alimentaires ayant reculé de 11,7% pour s'établir à 8,2 milliards de dollars. Il s'explique principalement par la chute des importations de céréales (-20,6%) et de produits laitiers (-15,8%), selon les chiffres du ministère des Finances. Le climat en jeu La production agricole en Algérie est sensible aux variations climatiques, notamment les céréales qui sont tributaires en grande partie des précipitations. Les plantations de céréales pendant l'hiver 2016/17 ont été affectées par les faibles précipitations, qui se sont situées à environ 20% de la norme habituelle en septembre et octobre selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). S'en est suivie une récolte des céréales en baisse de 19% comparé à 2015, et de 23% inférieure à la moyenne observée en 2011-15 à environ 3,3 millions de tonnes. Pour y remédier, l'Algérie se tourne vers des techniques agricoles modernes dans une optique de stabilisation des niveaux de production. Des avancées significatives peuvent déjà être observées du côté de la gestion de l'eau. Selon le ministère des Ressources en eau, le volume d'eau mobilisé pour l'agriculture à la fin janvier s'élevait à 7 milliards de mètres cubes, soit 70% du total national, contre tout juste 2 milliards de mètres cubes en 1999. En conséquence, la part des terres agricoles irriguées est passée pendant cette période de 4% à 15% pour atteindre 1,26 million d'hectares. Le ministère a, par ailleurs, annoncé que des systèmes plus économes en eau étaient en place dès l'année dernière sur 600 000 hectares de terres agricoles, contre 90 000 en 1999. Un autre programme, lancé au début d'année dernière, est axé sur l'amélioration du rendement des récoltes de blé et de légumineuses grâce à une meilleure gestion de l'eau et des engrais ainsi qu'à l'introduction de nouvelles matières végétales. Ce projet, mené dans le cadre du programme mixte FAO/AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) sur les techniques nucléaires dans l'alimentation et l'agriculture, comprend des essais en champ. Actuellement mené à l'Institut national de la recherche agronomique d'Algérie, il cible le blé et les légumineuses. Ce programme teste également l'utilisation de sondes à neutrons et d'engrais chimiques isotopiques pour établir un suivi de la salinité des sols, améliorer la fertilité des sols et rechercher une plus grande efficience dans le but de développer des pratiques agricoles "intelligentes". Selon Umberto Torresan, directeur de DuPont Algérie — une entreprise américaine qui manifestait un intérêt pour le pays depuis les années 1990, en mettant l'accent sur des solutions agricoles axées sur la technologie —, de telles technologies peuvent véritablement changer la donne pour l'agriculture en Algérie. "Grâce à des capteurs sans fil et à l'imagerie thermique qui fournissent des données sur la composition des sols, l'irrigation, la température et les tendances météorologiques, les agriculteurs pourraient optimiser leur gestion des terres et potentiellement tripler leurs récoltes", a-t-il déclaré à OBG, en ajoutant : "Grâce à de telles technologies et données, l'Algérie serait non seulement en mesure d'assurer sa prospérité alimentaire, mais aussi d'exporter une large part de sa production." Selon Abdeslam Chelgoum, ministre de l'Agriculture, de la Pêche et du Développement rural, "le secteur de l'agriculture sera la locomotive de l'économie nationale et remplacera les hydrocarbures. Ce sont les agriculteurs qui assureront le développement économique et contribueront à atteindre l'autosuffisance alimentaire." Par : Oxford business Group