Dans le cœur des Français, sa cote n'a pas fléchi. Il est encore avec l'Abbé Pierre, l'ami des pauvres et des sans-logis, leur phare existentiel. Cela, malgré la tristesse. Malgré la peine engendrée par une retraite anticipée, qui a fait vite de l'équipe de Raymond Domenech un groupe pâle et sans âme. Le “Galactique” parti, la France a cessé de scintiller. Eteinte au point de susciter le cauchemar d'une absence à la prochaine Coupe du monde en Allemagne. Le parcours en ce tour éliminatoire est vraiment chaotique, en dépit des adversaires supposés faibles. Domenech a presque déjà raté le pari d'une reconstruction qu'il voulait réaliser sans les cadors de 1998. Et dont Zizou est le plus emblématique. Nommé en juillet dernier à la place de Jacques Santini, après le parcours peu flatteur dans l'Euro portugais, Domenech a eu l'incroyable indélicatesse de snober le capitaine français qui brille autant par son humilité que par la beauté de son art. Sourd à quelques conseillers avisés, Domenech a mis 24 jours avant d'adresser un coup de fil à Zidane. Un appel tiède. Suivi d'un ménage dans l'encadrement de l'équipe qui a vu renvoyer le médecin, le cuistot... Zizou, déjà assailli par le doute, a pris ces décisions comme un message qui lui était spécialement adressé. Comme ces Kabyles qui n'ont pas besoin de discours pour décrypter les signes, Zidane a compris. Il a choisi de s'effacer. “Lionel Jospin a plus de chance de revenir en politique que Zidane en équipe de France”, affirmait Domenech lors d'une émission de télé, qui montrait bien comment l'entraîneur a poussé le héros vers la sortie, sans avoir à en assumer la responsabilité publique. Et, puis, ce vendredi, le même Domench affirmait sans ciller : “Si Zidane se déclare de nouveau sélectionnable, je l'accueillerai et le sélectionnerai avec un grand bonheur.” Stupéfiant ! Domenech est rongé par le doute. Son équipe est en peine et court le risque d'une élimination humiliante. C'est dans ce contexte que le quotidien sportif de référence L'Equipe relance l'hypothèse d'un retour de Zidane. “Et s'il revenait ?”, interroge-t-il. “Après les déconvenues face à la Suisse et Israël, les interrogations ne manquent pas autour des Bleus. Raymond Domenech doit-il rappeler Zinedine Zidane ? La question se pose d'autant que ce dernier laisse la porte entrouverte”, écrivait le journal dans son édition du 1er avril. Poisson d'avril ? Les dirigeants français, à leur tête le ministre des Sports et président de la fédération, veulent y croire. Mais restent prudents. C'est le jour des farces, même si le quotidien consacre son édito et une page entière à l'éventuel retour de Zizou. En fait, le journal interprétait, avec une certaine audace, les propos qui allaient sortir le lendemain dans son édition magazine, entièrement consacrée à l'ex-capitaine sous le titre “100% Zidane”. “J'ai déjà dit que l'équipe de France est la plus belle chose qui me soit arrivée. ça serait bien que je revienne en équipe de France. Mais je ne veux pas parler de ça”, répondait Zidane à l'athlète marocain Hicham El-Guerroudj, qui lui disait “tu vas faire une troisième Coupe du monde, tu vas revenir, j'ai confiance”. Paroles mesurées ou lâchées juste pour rester dans le ton des amabilités échangées avec l'autre star ? Hier, L'Equipe jurait dans un nouvel édito que son histoire n'avait rien de la sardine, ayant bouché le Vieux-Port de Marseille, et que le rêve évoqué n'était ni une vue de l'esprit, ni du papier pour emballer le poisson. Zidane n'en démord pourtant pas. Il appelle L'Equipe pour dire qu'il reste sur sa position. “J'ai dit que j'arrêtais l'équipe de France. Vous savez bien que quand j'ai pris une décision, elle est prise”, assène le joueur madrilène. L'Equipe sort alors la grosse artillerie. Le langage de guerre. Il évoque l'état d'urgence, l'union nationale. Zidane, lui, refuse de jouer le “sauveur”. Résistera-t-il seulement à toutes ces sollicitudes ? Y. K.