L'accord signé en février dernier entre l'Italie et le gouvernement libyen, et soutenu par l'ONU, aux termes duquel l'Union européenne financerait de telles installations, est loin de faire l'unanimité à Bruxelles, car l'Allemagne estime que ce n'est pas une "bonne solution". La crise des migrants divise plus que jamais l'Union européenne, notamment la question de l'installation de camps d'accueil en Libye. En visite au siège de l'Union africaine, le ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a affirmé mardi que l'Allemagne ne va pas soutenir un projet qui vise à établir des camps en Libye pour y accueillir les migrants voulant se rendre en Europe. Pour rappel, l'Italie et le gouvernement libyen de Fayez As-Sarraj, reconnu par la communauté internationale, avaient signé un accord en février dernier, avec l'aval de l'ONU, aux termes duquel l'Union européenne financerait de telles installations. L'accord en question était destiné à limiter les départs de migrants clandestins en prévoyant notamment la création de camps d'hébergement et de les inciter à retourner dans leurs pays lorsqu'ils ne peuvent prétendre au statut de réfugié. Il a cependant été suspendu le 22 mars par la cour d'appel de Tripoli. Le chef de la diplomatie allemande a estimé au cours d'une conférence de presse aux côtés du président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, que les migrants vivaient dans des "conditions épouvantables" dans les camps en Libye et qu'en construire d'autres n'était en aucun cas une solution. "Je suis en mesure de dire que cela ne correspond pas à la vision politique de l'Allemagne ou de l'Union européenne. Ce que nous essayons plutôt de faire est de stabiliser les pays du continent", a-t-il ajouté. Ce point de vue a été partagé par Moussa Faki Mahamat, qui a souligné que dans les "immenses territoires" du Sahara et du Sahel, "il est très difficile de mettre en place des camps pour contenir cet afflux d'êtres humains", "cela n'a jamais vraiment été une bonne solution". Il y a lieu de signaler que les dirigeants de l'Union européenne ont approuvé lors du leur dernier sommet à Malte, en février, une nouvelle stratégie destinée à "briser le modèle économique" des passeurs en Libye qui ont déjà fait transiter des centaines de milliers de migrants vers l'Italie au cours des trois dernières années. Les Européens ont affirmé souhaiter renforcer le rôle des garde-côtes libyens dans l'interception des bateaux transportant ces migrants avant qu'ils n'entrent dans les eaux internationales, aider les voisins de la Libye à fermer les accès à ce pays et inciter ces migrants à retourner d'où ils viennent, au moins en ce qui concerne les migrants économiques ne pouvant prétendre au statut de réfugié. On estime à près de 550 000 le nombre de migrants arrivés en Italie entre 2013 et 2016, et 37 000 depuis le début de l'année. Plus de 4500 migrants sont morts ou ont disparu en 2016 en tentant de traverser la Méditerranée et un millier depuis début 2017. Merzak Tigrine