Dans le cadre du traditionnel Café littéraire organisé régulièrement par l'association culturelle Tiawinine, la conférence-débat, que devrait animer aujourd'hui la jeune romancière Tayda Hiba, autour de son livre intitulé Un slow avec le destin, a reçu une fin de non-recevoir de la part des autorités locales de la daïra de Bouzeguène et aucun motif n'a été évoqué pour justifier ce refus. Selon le président de l'association Tiawinine, Khaled Bessaci, "un communiqué mentionnant le refus a été déjà diffusé sur le compte facebook de l'association. Une demande globale a été adressée à l'APC de Bouzeguène qui devait, dans un premier temps, donner son aval et qui a informé l'association que le centre culturel Ferrat-Ramdane était bien bien libre, mais c'est à la daïra et à la wilaya de formuler l'accord par écrit. Le refus a été finalement confirmé sans aucun motif". C'est le second refus que l'association reçoit après celui du 18 mars dernier, avec l'annulation de la conférence-débat que devait présenter l'écrivain Kamel Daoud, Prix Goncourt en 2015 pour son roman Meursault contre-enquête. Le motif évoqué pour l'annulation de la conférence de Kamel Daoud était, rappelons-le, le lancement des travaux dans la salle de conférences pour les besoins de la campagne électorale. Par ailleurs, deux autres conférences avaient été interdites depuis le mois de janvier en Kabylie. Il s'agit des conférences de Karim Akkouche prévue à Bouzeguène et celle du linguiste historien Younès Adli, prévue à Aokas, dans la wilaya de Béjaïa, autour de son livre La pensée kabyle, tout comme celle du militant de la cause amazighe Larbi Yahioune dans la même wilaya. Les observateurs, unanimes, constatent qu'il s'agit d'un véritable déni de la culture et une volonté de verrouiller les libertés dans les manifestations culturelles publiques dans toute la région. Face à une telle situation, l'association Tiawinine de Bouzeguène appelle "les forces vives, la société civile, ainsi que les associations à un rassemblement devant le centre culturel Ferrat-Ramdane, le samedi 13 mai 2017 (aujourd'hui, ndlr), à 13h30, pour protester contre ces interdictions et dénoncer ces agissements arbitraires". Par ailleurs, dans un communiqué rendu public hier, le Café littéraire de Béjaïa, qui a subi les mêmes harcèlements, a exprimé sa solidarité avec l'association de Bouzeguène. "L'interdiction de cette conférence nous inquiète au plus haut point. D'abord, elle exprime plus clairement la persistance du pouvoir à vouloir mettre un terme à la liberté d'expression et au débat d'idées qu'animent habituellement nos auteurs. L'autre motif d'inquiétude et de colère réside dans l'absence de réaction du monde de la culture devant l'ampleur prise par cette série d'interdictions de conférences visant indifféremment de plus en plus d'associations, d'écrivains et d'organisations des droits humains", écrit l'association de Béjaïa qui enchaîne qu'"il est sidérant de constater que nos intellectuels, artistes et scientifiques, forts de leur pouvoir d'expression, puissent rester aphones, indifférents, continuant à se murer dans leur tour d'ivoire en se refusant à contribuer de quelque manière que ce soit à la défense de nos libertés et des espaces de libre expression". Et à l'association de Béjaïa de conclure que "ce silence compromettant encourage le pouvoir à poursuivre son offensive contre toute initiative culturelle échappant à son contrôle tatillon". Kamel Nath Oukaci