Certes, le président de cette instance a entièrement raison lorsqu'il évoque un problème de réglementation, mais son silence demeure incompréhensible pour beaucoup d'observateurs. Créée par les pouvoirs publics pour mettre de l'ordre dans un champ audiovisuel livré à l'anarchie avec l'arrivée de nombreuses chaînes de télévision, l'Autorité de régulation de l'audiovisuel (Arav) avoue, aujourd'hui, par la voix même de son président, Zouaoui Benhamadi, toute son impuissance à mener à bien sa mission. Cette instance n'a-t-elle finalement d'autorité que le nom ? Son premier responsable le sous-entend, en tout cas, peut-être sans s'en rendre compte, lorsqu'il réplique, à ceux qui lui demandent de sévir, en estimant que "c'est aux personnes mal représentées de se plaindre et de faire pression sur ces chaînes en ayant recours à la justice". À regarder de près sa posture par rapport au tumulte qui caractérise ce secteur ces derniers temps, avec la multiplication de toutes sortes de dérives, il faut se rendre à l'évidence que la structure est tétanisée devant le déroulement des événements. M. Benhamadi, lui-même, le reconnaît d'ailleurs, en recevant samedi une délégation des protestataires qui avaient observé un sit-in devant l'Arav en soutien à l'écrivain Rachid Boudjedra et pour dénoncer les aberrations d'un champ audiovisuel où l'impunité règne en maître. C'est dire que l'héritage de l'ex-ministre de la Communication, qui se vantait, avant son débarquement à la faveur du dernier remaniement gouvernemental, d'avoir réussi à professionnaliser la profession, ressemble aujourd'hui plus à un cadeau empoisonné qu'à autre chose. Et cela, M. Benhamadi l'a, visiblement, bien compris, si l'on se fie à ses déclarations de samedi où il faisait allusion à ce legs pourri de l'ancien ministre. "Avec un nouveau gouvernement et un nouveau ministre de la Communication, on va avancer sérieusement sur le dossier de la réglementation du champ audiovisuel", a-t-il dit. C'est peut-être dans ce cadre-là que le nouveau ministre de la Communication, Djamel Kaouane, a reçu en audience, hier, le président de l'Arav. Ce premier contact, selon un communiqué du ministère, a permis au ministre de s'enquérir des rôles et des missions de l'Arav et d'assurer son président de "la disponibilité entière du ministère de la Communication et, à travers ce dernier, du gouvernement à lui apporter aide et soutien, afin de lui permettre d'assumer pleinement ses responsabilités tel que le stipulent les textes de loi en vigueur". Certes, M. Benhamadi a entièrement raison lorsqu'il évoque un problème de réglementation dans l'action de son instance, mais ce que beaucoup lui reprochent, c'est que l'Arav a complètement disparu des écrans radar depuis un certains temps. Du temps de Miloud Chorfi, l'Arav, même si elle ne disposait pas de textes réglementaires lui permettant de sévir, n'hésitait pas à adresser des rappels à l'ordre ou des avertissements aux chaînes de télévision lorsque des plaintes sont enregistrées auprès de ses services. Mais M. Benhamadi ne veut pas jouer ce rôle de "gendarme" de l'audiovisuel algérien, comme il le dit d'ailleurs très clairement sur le portail électronique de l'Arav. "L'Autorité de régulation de l'audiovisuel est diversement perçue. Certains y voient un ‘gendarme' qui surveille et sévit, d'autres un ‘arbitre' qui doit sans cesse rappeler les règles du jeu, d'autres, enfin, un bouclier contre les dérives et les outrances. Tout cela est bien vrai, mais la mission de l'Arav est tout autre", lit-on, en effet. À quoi sert-il donc d'avoir une autorité de régulation si elle ne peut agir pour réaliser les objectifs qui lui avaient été assignés à sa création ? Pour M. Benhamadi, la faute incombe aux textes régissant la mission de son instance et c'est ce qui explique, d'après lui, son appel lancé samedi en direction des pouvoirs publics afin de "parachever l'aspect disciplinaire et réglementaire" du champ audiovisuel algérien. Ce sera le seul gage, selon lui, "pour en assurer la bonne organisation et éviter des dépassements constatés notamment durant le mois sacré du Ramadhan". Il a estimé qu'avec l'application rigoureuse de la réglementation, "on peut aller vite dans la régularisation des chaînes privées (qui sont de droit étranger), après, bien sûr, leur mise en conformité avec le cahier des charges". Mais, en attendant cette fameuse mise en conformité tant attendue, le paysage audiovisuel algérien continue de ressembler à une jungle où tous les coups sont permis et où le chantage, la violence physique et verbale, les écarts moraux, les atteintes à la vie privée des personnes sont devenus les maîtres-mots. Hamid Saïdani