Les seuils des prix du pétrole souhaités par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) "de 55 à 60 dollars le baril ne sont pas encore en vue, même peut-être en 2018", a estimé l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFP Energies nouvelles) qui vient de publier une analyse sur le marché pétrolier. L'IFP Energies nouvelles constate que le prix du pétrole a réagi plutôt à la baisse à la décision attendue, prise par l'Opep et certains pays non-Opep, dont la Russie, de reconduction de l'accord de novembre 2016 pour une durée de 9 mois. Se situant à 50 dollars le baril en mai pour le Brent, référence européenne, le prix du pétrole est en léger retrait par rapport aux cotations mensuelles observées depuis janvier (52 à 55 dollars le baril). Selon l'IFP Energies nouvelles, la décision de l'Opep du 25 mai a reposé sur le constat fait par son comité technique de la persistance de stocks excédentaires, mais la réduction de cet excédent constitue l'objectif de la stratégie de l'Opep. "Il serait, a priori, atteint en fin d'année sur la base des anticipations actuelles concernant la demande mondiale, la production Opep et celle de l'Amérique du Nord. Le bilan offre/demande fait, en effet, apparaître un déficit de 0,9 Mb/j en 2017 et de 0,4 Mb/j en 2018. Ce serait donc suffisant pour revenir à un niveau de stocks OCDE en ligne avec la moyenne sur cinq ans", estime l'IFP Energies nouvelles. La question qui se pose est de savoir si cet objectif sur les stocks est suffisant pour faire pression sur le prix du pétrole. "Le déficit de seulement 0,4 Mb/j attendu en 2018 paraît ainsi trop faible pour soutenir le prix avec fermeté", pense l'Institut français de pétrole, indiquant qu'"il aurait fallu un accord sur un an, en 2018, pour aboutir à un déficit de plus de 1 Mb/j". Si l'Opep a jusqu'ici respecté de façon assez stricte ses quotas de production décidés fin novembre 2016, les tensions récentes avec le Qatar font craindre un risque de fissure au sein de l'organisation. "Le prix du pétrole a intégré ce risque de fissure au sein de l'Opep en passant sous les 50 dollars le baril dès le 2 juin", note l'IFP Energies nouvelles, ajoutant que des dérives au niveau de la production pourraient venir des deux pays non tenus au respect d'un quota, à savoir la Libye et le Nigeria. Mais c'est surtout la production américaine qui est susceptible de modifier l'équilibre comme ce fut le cas en 2014. La période de baisse de la production américaine de liquides, initiée début 2015 du fait de la baisse des prix, a pris fin en septembre 2016. La reprise de la hausse de production américaine d'hydrocarbures liquides est due pour moitié au pétrole de schiste mais aussi à une augmentation de la production des liquides de gaz naturel et de celle de pétrole issu de gisements offshore (fruit des investissements décidés entre 2010 et 2014 lorsque les cours du pétrole étaient au plus haut). L'EIA américaine révise régulièrement à la hausse ses prévisions sur la production américaine de pétrole en 2017 et en 2018. Les déficits envisagés par l'Opep de 0,9 Mb/j en 2017 et de 0,4 Mb/j en 2018 sont loin d'être des évidences. "Cela explique la relative sagesse du prix du pétrole qui est repassé sous les 50 dollars le baril le 2 juin. Les seuils souhaités par l'Opep de 55 à 60 dollars le baril ne sont pas encore en vue, même peut-être en 2018", selon IFP Energies nouvelles. M. R.