Jusqu'au 23 juin, les férus de ce genre musical pourront se délecter des soirées animées par des pointures comme Chaou, Abderrahmane El Kobi ou encore Badji Bahri. L'Etablissement Arts et Culture concocté un programme musical 100% chaâbi pour ce mois de Ramadhan à la Pêcherie, Alger, qui a vu défiler, depuis le 30 mai et jusqu'au 23 juin, des pointures du chaâbi comme Abdelkader Chaou, Badji Bahri ou encore Abderrahmane El Kobi. Lundi dernier, c'était au tour de Nacer Mokdad de gratifier son public d'un concert jusque tard dans la nuit en reprenant quelques standards ainsi que des compositions personnelles. L'assistance, constituée majoritairement d'hommes, la cinquantaine bien entamée et de quelques rares familles avec enfants, commençait à affluer dans l'immense placette faisant face à l'étincelante baie d'Alger, parée en cette fraîche soirée de juin de flamboyantes lumières émanant des habitations des alentours. Des tables blanches métalliques, recouvertes de légères gouttelettes de condensation, rapidement épongées par le serveur, occupent l'espace central de l'esplanade, juste devant la cafétéria qui accueillait un flux ininterrompu de clients. Ces derniers, en attendant l'arrivée de l'artiste, s'adonnaient à quelques discussions autour de la politique, l'examen du bac, ou encore l'économie du pays en ces temps de vaches maigres, tandis que d'autres se lançaient dans des duels d'anciens adages et dictons algérois, que seuls les initiés peuvent comprendre, dans une ambiance bon enfant, autour de leur thé, café et autres sodas. Cette atmosphère essentiellement masculine en dit long par ailleurs sur la catégorie de population fréquentant les concerts chaâbi, où les femmes se font rarissimes. Faisant enfin son entrée après quelques minutes de retard, à cause des bouchons interminables de l'agrypnique capitale, lancera-t-il à son public, Nacer Mokdad salue l'assistance avant de s'installer sur une chaise de l'étroite scène pâtissant d'une lumière blafarde. Devant l'affiche où étaient placardés les visages des maîtres Dahmane El-Harrachi et El-Hachemi Guerouabi, l'artiste entame le qsid avec Ya ghayet el maqsoud d'Amar Ezzahi, Ahlan wa sahlane, Rissala ou encore Lala Fatima. Evoquant l'amitié, la sincérité, la douleur de l'exil, le destin de l'homme, ses actions et ses regrets, les thèmes des titres repris par le chanteur comme Wajh Allah ou encore Ch'hal men ibad ghafline, feront danser le public qui s'en est donner à cœur joie durant le reste de la soirée. Echapper à la routine pour certains, faire découvrir le chaâbi aux enfants pour d'autres Accompagnée de ses enfants en bas âge, une trentenaire nous dira qu'elle assiste à cette soirée parce que son époux travaille au port et que l'endroit est sécurisé, tout en permettant aux enfants de découvrir cette musique. Ainsi, pour notre interlocutrice, l'absence de la gent féminine s'explique par le fait que cette dernière préfère au chaâbi d'autres styles musicaux, notamment le raï. Cheveux grisonnants, un homme attablé avec son fils nous dira qu'il est venu spécialement pour Nacer Mokdad, qui est pour lui un des meilleurs interprètes de chaâbi actuellement, grâce aux thèmes de ses chanson et son authenticité, qu'il veut d'ailleurs faire découvrir à son fils âgé d'une dizaine d'années, et pourquoi pas lui "transmettre mon amour pour ce genre musical". D'autres par ailleurs se réjouissent de l'existence d'un tel espace pour les petites bourses, qui se voient offrir un contenu de qualité, de surcroît dans un des lieux emblématiques d'Alger : "En tant qu'amateur de chaâbi, je suis content de pouvoir assister gratuitement à des concerts d'artistes que j'admire", lancera un homme sirotant paisiblement son thé au fond de la placette. Malgré l'existence d'un public de connaisseurs et de ceux qui mettent tout en œuvre afin de préserver cette musique de notre patrimoine, un organisateur nous confiera que le chaâbi n'attire plus grand monde ces derniers temps durant le mois de Ramadhan : "J'ai constaté que les gens n'assistaient plus beaucoup aux soirées de ce genre. Si c'était un concert de raï, la placette serait archi-comble même en payant, parce qu'il y une grande promotion autour et parce qu'il rapporte financièrement". Et d'ajouter : "Certains organisateurs valorisent des artistes au détriment d'autres, il n'est pas étonnant de voir alors qu'il y a peu de gens à ce genre de spectacles", lancera amèrement notre interlocuteur. Yasmine Azzouz