Introduction L'Algérie est un pays aux ressources infinies. La faune et la flore chatoyantes, peu endommagées, en font l'une des régions les mieux préservées du nord de l'Afrique. Le cadre environnemental dans lequel s'inscrit l'Algérie est à la fois montagneux, balnéaire et saharien. Autant d'éléments qui permettent à tout type de touriste ou de voyageur de trouver son bonheur. Cependant, un élément essentiel reste à préserver, le caractère discret et authentique de l'Algérie. En effet, ce pays à l'Histoire millénaire, qui a vu passer de nombreuses civilisations, lui confère une position unique dans la région, presque un lieu de culte. En ce sens, l'Algérie ne dispose pas d'un potentiel pour le tourisme de masse, mais a toujours veillé à attirer les plus curieux et les plus instruits, avides de connaissances et de découvertes. C'est à ce carrefour entre beauté naturelle et potentiel inédit, que s'inscrit, à mon sens, l'Algérie. En d'autres mots, il s'agit d'une destination de niche. 1. Du tourisme de niche pour éviter la dénaturalisation du paysage algérien Si le tourisme de niche semble plus approprié, c'est parce l'exemple de nos pays voisins est suffisamment éloquent pour en tirer des leçons. L'idée est de conserver la spécificité algérienne de la discrétion et d'actionner ce levier afin d'attirer une clientèle friande d'authenticité. Un aspect capital dans le développement touristique d'une région comme la nôtre, est que la vie du voyageur ou du touriste lors de son séjour ne doit pas constituer un obstacle à la vie des Algériens. Ce qu'ils viennent chercher tient dans la culture algérienne, encore méconnue par beaucoup, et la conservation du patrimoine. C'est un sentiment de consolidation nationale qui doit régner au sein du pays afin de montrer que l'authenticité algérienne se trouve loin d'un conservatisme austère à l'évolution, mais plutôt dans un schéma d'innovation sur la base de ses acquis. Un pays qui peut vivre du tourisme est un pays qui est capable de vivre avec le tourisme. Il est essentiel que le développement de cette industrie touristique soit donc inclusive pour le peuple algérien et contribue, par exemple, à créer de l'emploi et à s'ouvrir au monde extérieur. L'Algérie s'alignerait ainsi sur la charte de l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) et la déclaration de Manille sur le tourisme international spécifiant que "le tourisme est un phénomène qui doit permettre et favoriser la rencontre des peuples et des cultures". a) Les produits touristiques à mettre en valeur L'Algérie est un pays dont les ressources et le patrimoine sont naturellement foisonnants. Beaucoup de lieux ont été conservés tels qu'ils l'étaient à l'origine. Une côte algérienne de 1 200 km à l'état sauvage où la nature est reine, riche en faune et en flore. Un désert de plus d'un million de kilomètres carrés, avec des paysages idylliques. Autre atout majeur de l'Algérie, son Histoire. Depuis l'Antiquité, et en passant par les Empires numide et romain, jusqu'à nos jours, l'histoire a laissé des vestiges témoignant de la grandeur de ces civilisations en s'appuyant sur l'image des grands personnages qui les ont marqués tels que Jugurtha, Saint Augustin, La Kahina, Tin Hinan, l'Emir Abd el-Kader et tant d'autres. Le triste constat étant que l'Algérie n'est connue qu'à travers les guerres et autres conflits politiques dont elle a été la proie, occultant le potentiel culturel et artistique du pays. Notre artisanat à part entière gagnerait à être connu et diffusé. b) Les acteurs à impliquer Dans ce processus, les acteurs de premier plan sont évidemment les autorités. Il est important d'envisager certains travaux de restauration et de préservation des sites historiques et archéologiques. À ce titre, un autre acteur devrait également entrer en jeu : le secteur éducatif. Par l'intermédiaire d'écoles d'urbanisme et d'art pour la restauration de certains sites, l'Algérie se garantit un travail qualitatif tout en renforçant le projet pédagogique et les portfolios de plusieurs étudiants. L'âme du pays sera ainsi conservée et il se dressera même en pionnier de l'investissement dans l'innovation au sein de la région nord de l'Afrique. Par ailleurs, il sera également essentiel de mettre sur pied des formations à destination des guides, dont les connaissances du pays doivent être excellentes. Ceux-ci devront travailler main dans la main avec des tours opérateurs et des agents de voyages compétents. Un office du tourisme complètement renouvelé devra servir de ciment afin de veiller à la bonne coordination de ces différents services. Les compagnies aériennes et l'hôtellerie ont également un rôle à jouer, et devront prendre part à ce plan par la mise en place d'actions ambitieuses pour assurer le meilleur service. 2. Initiatives à mettre en œuvre d'urgence a) Les Affaires étrangères (politique des visas) Un système d'obtention de visa beaucoup plus fluide et efficient devrait être mis en place, tout en veillant à la sécurité nationale. Cela, encore une fois, dans le but de préserver la région et de la réserver à une clientèle demandeuse d'expériences enrichissantes. b) Le ministre de l'Intérieur (rôle de la PAF et des douanes) Il s'agit de sensibiliser les agents de police de l'air et des frontières ainsi que les agents des douanes au sens de l'accueil. Dès l'entrée sur le territoire national, les premières impressions, les premiers contact sont capitaux. La sensibilisation devra se faire sous forme de mission à accomplir pour l'Algérie. C'est un acte patriotique. c) L'Office national du tourisme Revoir la mission de l'ONT : - En mettant à jour le site web et en veillant à son ergonomie et la qualité des informations présentes. - Réévaluer la participation de l'Algérie à des salons du tourisme en fonction de l'orientation de notre politique touristique. - Signer des partenariats avec des opérateurs touristiques dans les principaux pays cibles, afin d'assurer une mission de représentation de la destination. - Un budget marketing et communication doit être alloué, accompagné d'objectifs précis. - Organisation de sessions d'informations dans les destinations choisies avec des professionnels du secteur ainsi que la presse. d) Les compagnies aériennes (nationales et étrangères) Qu'elle soient nationales ou étrangères, les compagnies aériennes doivent être informées de la nouvelle orientation touristique et doivent s'impliquer dans la mise en place de cette politique. Des réunions doivent avoir lieu afin de les encourager dans cette voie pour en faire un objectif national.
e) Le secteur hôtelier dans toutes ces formes Le secteur hôtelier doit également être entièrement revisité. En pariant sur plusieurs types d'infrastructures, les opportunités se multiplient. Envisager une gamme d'hôtels plus luxueux et écologiques, de type "lodge" tels qu'ils existent au Botswana. L'Algérie s'alignera alors sur un modèle qui attirera une cible très spécifique et soucieuse à la fois d'un confort inégalé que d'une expérience authentique du pays. Quant à la petite hôtellerie, plutôt orienté vers des expériences, il faut penser "expéditions organisées", hôtels indépendants, initiatives locales. f) Le secteur des agences de voyages De sérieuses formations doivent être données aux agents de voyages déjà établis afin de parfaire leur connaissance du pays. Un travail de coopération entre les AGV et les offices locaux du tourisme doit être introduit et automatique afin d'orienter le voyageur dans sa consommation du produit touristique en fonction de ses motivations pour rencontrer ses attentes. g) Les directions du tourisme de chaque wilaya En relation avec les opérateurs touristiques (ONT, ministère du Tourisme, tour-opérateurs), ces instances devront communiquer les produits identifiés comme "touristiques", susceptibles d'être commercialisés à l'échelle internationale. 3. Actions de communication envers les marchés émetteurs cibles a) Vers les associations des tour-opérateurs et agences de voyage Il s'agit de faire la promotion d'une Algérie nouvelle mais toujours authentique. Un plan de communication avec un agenda de campagne étalé sur plusieurs années devra être mis en place, avec des actions ponctuelles dirigées vers les agents de voyages à échelle internationale (mais ciblées), des workshops pour faire découvrir la destination, des séances d'information pour les tour-opérateurs. Envisager également des voyages d'étude organisés avec les acteurs de premier plan. b) Vers les magazines et la presse touristique Il faut que l'Algérie fasse parler d'elle positivement. Pour cela les médias représentent un enjeu capital. Il s'agit tout d'abord de rassurer le monde extérieur à propos de la sécurité du territoire algérien. En focalisant l'attention des médias vers des attractions historiques, géologiques, naturelles et culturelles en général, l'image de l'Algérie prendra des couleurs plus positives. Petit à petit, il sera intéressant de cibler la presse internationale susceptible de parler de l'Algérie dans ces termes et de vanter l'apport culturel d'un pays encore inconnu touristiquement. L'Algérie doit faire parler d'elle et peut également être le théâtre de grands événements culturels, comme c'était le cas lors du Festival Panafricain (PANAF 2009). Se rapprocher des institutions comme l'Unesco qui a déjà inscrit six lieux du pays parmi les patrimoines mondiaux reconnus : Casbah d'Alger, Djemila, Kalâa des Béni Hammad, Timgad, Tipasa, Vallée du M'zab. c) Sur les médias sociaux La partie digitale de la campagne, qui sera menée de front, devra être virale et constituer un levier important de retour sur investissement. Il faudra veiller à attirer l'attention de l'internaute en lui amenant "des bonnes nouvelles d'Algérie". Envisager la création de blogs, penser à la publicité virale et d'autres types d'inserts publicitaires à déployer. Objectif : Les formations comme valorisation des métiers du tourisme Elles sont le moteur de l'évolution de ce projet de renouvellement. Entre études supérieurs pour les jeunes, workshops pour les adultes déjà actifs professionnellement, il faut stimuler l'éducation. Motiver les jeunes étudiants et dispenser des formations de qualité qui garantissent l'accès à l'emploi ensuite est capital. Un pays où le tourisme fonctionne est avant tout un pays dans lequel les citoyens se sentent bien et entendus. L'Algérie possède une population majoritairement jeune, une jeunesse dont il est essentiel de promouvoir le potentiel et de lui montrer les perspectives qu'offre leur pays. À ce titre, des échanges avec d'autres institutions à travers le monde seront sûrement d'un grand soutien. Comme c'est le cas en Europe avec les séjours Erasmus. C'est en valorisant les formations dispensées, en mettant en avant les professeurs et la qualité de leur curriculum, que les métiers du tourisme en Algérie seront valorisés. En s'imprégnant du savoir-faire d'autres parties du monde, l'Algérie dispose d'une grande marge de manœuvre pour développer une industrie touristique à son image sans devoir s'aligner sur le modèle occidental. La discipline doit faire partie intégrante des cursus dans le domaine du tourisme et refléter une image élitiste en ce qui concerne l'hôtellerie de haut standing. Ce sont des métiers qui doivent être pris au sérieux puisqu'ils pourraient contribuer à une rentrée importante pour les finances de l'Etat. Mot de la fin La mise en place de ces actions permettra, dans un laps de temps réduit, le lancement de la destination. Cette mise en application doit cependant être opérée par des experts dans le domaine, afin d'éviter les maladresses commises par le passé. L'Algérie ne peut plus continuer à se reposer sur ses acquis sans penser à l'avenir des générations futures. Dès aujourd'hui, un travail conséquent doit être entamé pour lancer une industrie touristique qui rendra service au peuple algérien autant qu'à son économie. Les qualités d'expertise et de leadership nécessaires pour une mission de cette envergure sont strictes et requièrent une fibre patriotique indéniable. Par : Mohand Ameziane Meziant EXPERT EN TOURISME