Très actif au sein du comité de soutien aux travailleurs de Cevital et aux investissements dans la wilaya de Béjaïa, Mourad Bouzidi milite, dit-il, pour que ses enfants "ne soient pas amenés un jour à quitter cette terre d'Algérie" et qu'ils soient "acteurs de son développement et de son épanouissement". Il est, depuis 1998, propriétaire et manager de World Soft activant dans le domaine des nouvelles technologies et figure parmi les premiers opérateurs à être certifiés dans les systèmes de câblage VDI (Voies Données et Images) par Infra+ et Schneider Electric. Il est aussi l'un des 30 premiers Algériens à être certifiés KNX, standard mondial de la domotique et du bâtiment intelligent. Dans cet entretien, il revient sur l'affaire du projet de création, à Béjaïa, d'une SPA qui sera chargée de la collecte et du traitement des déchets, évoquant des surcoûts incompréhensibles qui engendrent légitimement des soupçons de malversations. M. Bouzidi s'interroge, du coup, sur le silence incompréhensible des pouvoirs publics. Liberté : Lors d'une conférence de presse que vous avez animée en début de semaine, vous avez traité d'un projet de l'APC de Béjaïa, concernant la gestion des déchets. Le projet poserait problème, à vos yeux. Qu'en est-il exactement ? Mourad Bouzidi : Notre comité suit et analyse avec rigueur et responsabilité tout ce qui touche de près ou de loin le développement de notre wilaya où les projets d'investissements structurants sont l'objet de retards, reports, surcoûts ou blocages inexpliqués : un montant de 3 000 milliards de centimes de projets gelés. Cette situation a amené des citoyens de tous horizons à s'organiser pour suivre et accompagner les initiatives porteuses de potentiel économique. Pour donner du poids et une valeur pédagogique à nos activités, nous informons les citoyens que nous prenons à témoin et que nous invitons à participer à des débats qui les concernent en premier chef. Mais pour qu'un développement soit efficace et crédible, il faut un environnement sain dans tous les sens du terme. Or, les investigations que nous avons menées autour de cette fameuse SPA "Béjaïa environnement" ont fait sur nous l'effet d'un tsunami. Les marchés confiés à cette entreprise ont été octroyés de façon illégale puisqu'aucun appel d'offre n'a été lancé. Les coûts sont exorbitants au regard de ce qui se pratique dans d'autres régions du pays. Plus grave, la décision de précipiter ce projet est venu moins de deux semaines après que Cevital, par la voix de son premier responsable, ait annoncé devant plusieurs associations dont des universitaires spécialistes de la santé et de l'environnement, la possibilité de réalisation d'une usine de traitement et de valorisation de déchets pour toute la wilaya de Béjaïa et d'une station d'épuration ultramoderne pour la ville de Béjaïa, à hauteur de 100 milliards de centimes. Vous admettrez qu'il y a là matière à s'interroger. Vous avez précisé que la commission hygiène, santé et environnement de l'APC de Béjaïa a émis des réserves, entre autres, sur le coût de l'opération et la nature de la future SPA chargée de l'opération. Comment l'APC, selon vous, a-t-elle pu ignorer ces réserves ? C'est là une question qui mérite attention et résolution. Car en effet, depuis de nombreuses années, il y a des abus, des distorsions à la réglementation et même des violations flagrantes de la loi qui sont commises au détriment de l'intérêt général sans que les pouvoirs publics n'interviennent. À force d'habitude, il y a à Béjaïa comme un sentiment d'impunité qui s'est installé chez certains prédateurs. Les coupables qui se prévalent de soutiens occultes, peut être d'ailleurs à tort, ont fini par imposer leur loi. C'est aussi pour cela que nous avons créé notre comité. Mais c'est vrai que la décision de l'APC de passer outre les réserves de la commission hygiène-santé témoigne du climat délétère, pour ne pas dire maffieux, qui sévit dans certaines institutions. Il n'en demeure pas moins que la création de la SPA Béjaïa-Environnement a eu l'aval du chef de daïra, du wali et même du ministère des Ressources en eau et de l'environnement... Mais c'est bien là le problème. Une proposition de traitement de déchets qui ne coûte pas un centime à l'Etat est ignorée par les autorités concernées en ces temps de disette budgétaire et un montage bancal et illégal qui coûtera deux fois plus que ce que supporte les citoyens d'Oran pour les mêmes prestations est validé en un temps record. Il s'agit maintenant de savoir comment sont organisés ces réseaux. Quelles sont leurs connexions et leurs commanditaires ? Y-a-t-il un lien entre les dépassements du directeur du port de Béjaïa, qui freine et bloque le développement de Cevital et ce dernier scandale ? Autant de questions qu'il faudra élucider et le travail de la presse, à laquelle nous ne demandons qu'à aider dans la transparence, ne sera pas de trop pour explorer ce qui semble être un tunnel à plusieurs galeries. On parle, ici, de Béjaïa, choisie comme wilaya-pilote pour ce projet, dont on dit qu'il sera étendu à d'autres grandes villes, mais en même temps, vous évoquez Oran où le traitement des déchets se ferait déjà à moindre coût. Comment expliquez-vous cela ? Mais pourquoi avoir attendu qu'un opérateur privé lance l'idée d'une usine de traitement des déchets et d'une station d'épuration, pour toute la wilaya, pour sortir des tiroirs un dossier oublié depuis des années ? Pourquoi avoir surfacturé les coûts de façon aussi excessive ? Pourquoi avoir refusé les appels d'offres obligatoires pour ces montants ? Pourquoi le wali a-t-il refusé de donner suite à l'offre de Cevital ? Si on voulait faire une entreprise pilote, la meilleure manière était de faciliter l'obtention d'une assiette de terrain pour la concrétisation de l'offre de Cevital. L'initiative aurait fait école et aurait stimulé la mobilisation des capitaux, qu'ils soient publics ou privés. Mais la réalité est que dans ce scandale il apparaît clairement qu'il n'y avait aucune volonté de faire des démonstrations ou d'encourager les réussites vertueuses. Pour l'instant, il n'y a que des questions et des silences de la part des autorités. Notre rôle est d'obtenir des réponses et notre détermination est d'amener des solutions. Encore une fois, nous comptons sur le professionnalisme de la presse privée. Il s'agit du développement de notre région et de l'avenir de nos enfants. Mon engagement est aussi motivé par ma responsabilité envers les miens. Entretien réalisé par : Mohamed Mouloudj