D'aucuns expliquent cette précipitation par la seule volonté de faire barrage à l'offre écologique du patron de Cevital qui a proposé de consacrer une enveloppe d'un milliard de dinars pour le traitement des déchets de Béjaïa. Une offre qui ne peut se refuser à l'heure de l'austérité des financements publics. L'approximation dans la gestion des déchets ménagers à Béjaïa a décidément la peau dure. Pis, elle devient même une règle établie. Sinon, comment expliquer l'abandon, en catimini, du projet de partenariat avec le Club 92 (Mouvement patronal franco-algérien) engagé depuis plus d'une année sur instruction gouvernementale pour la gestion intégrée, le traitement et la valorisation des déchets dans la wilaya de Béjaïa. Projet d'investissement ambitieux qui a fait l'objet de nombreuses réunions tant au niveau du ministère de l'Environnement, de la wilaya que des collectivités locales d'une manière générale avec les experts de Club 92 pour la présentation des processus de gestion, de traitement et de valorisation des 400 000 tonnes de déchets générées par les 52 communes avec un business plan détaillé et chiffré. Un projet soutenu par la tutelle Le projet prévoyait la création d'une société d'économie mixte dans le cadre de la règle 51/49 et la première filiale devait être créée à Béjaïa avec un capital social de 120 millions de dinars. Il est également prévu l'implantation d'autres sociétés mixtes au niveau de la wilaya pour le transfert de technologie et le développement des exportations avec les produits issus de la valorisation des déchets. Des engagements auraient, semble-t-il, été pris avec des industriels européens pour la production de machines et d'usines destinées à la transformation des matières issues des déchets. Un programme de dépollution de tout le territoire de la wilaya devait être entrepris. Au plan social, ce mégaprojet projetait la création de 1600 emplois directs et près de 2000 emplois indirects. Au-delà de la problématique de la gestion des déchets, qui reste un point noir de toute la wilaya, ce partenariat s'inscrivait dans une vision de rapprochement économique avec l'Union européenne. C'est dire la dimension du projet dont le pilotage au cours de l'année 2016 est pris en charge par le biais d'un comité interministériel. Pour des raisons financières, le démarrage du programme est prévu avec la commune de Béjaïa qui devrait progressivement rétrocéder des parts sociales pour permettre l'inclusion des autres communes, qui se doteraient des moyens de participation. L'offre pour la commune de Béjaia, limitée aux parties de la pré-collecte, de la collecte et du nettoyage de voirie, portait sur un gisement de déchets estimé à 60 000 tonnes par année. Et pour un coût annuel de 70 milliards de centimes pour des prestations qui seraient effectuées par la SPA Bougie Environnement dans laquelle la commune de Béjaïa détiendrait une participation de 34%. L'assemblée populaire dans sa séance du 6 avril avait adopté et fait approuver rapidement par la tutelle le dispositif de concession de la collecte des déchets et la prise de participation conformément aux dispositions du code communal sur les investissements en capital. Course contre la montre En dépit des critiques objectives qui peuvent s'exprimer sur ce mode d'engagement en matière de transparence et de respect de la concurrence des marchés publics, cette nouvelle option stratégique, adoptée avec la "bénédiction" de la tutelle, devait mettre fin au bricolage récurrent dans la gestion de la collecte réduite aux moyens obsolescents d'une régie communale totalement essouflée et aux surenchères des opérateurs privés locaux dont les prestations de sous-traitance pouvaient se renouveler de manière plus efficace et mieux organisée. Le tarif proposé à près de 11 667 DA, qui comprend en plus de la collecte le nettoyage et le lavage de la voirie, qui peut paraître, certes, excessif, devrait être rapproché des coûts complets réels dont le niveau de prestation de nettoiement laisse à désirer et loin de répondre aux exigences de propreté légendaire que la ville de Béjaïa se doit de retrouver. L'intérêt du projet pour la commune réside surtout dans les investissements complémentaires qui sont induits, à l'instar des quais de transfert indispensables à l'optimisation des opérations de collecte, de déchetteries et d'unités de traitement et de recyclage des déchets pour lesquels des assiettes foncières auraient même été identifiées. Or, ce programme de partenariat mixte, objet d'un grand tintamarre médiatique au début de cette année et annoncé comme "le projet historique de la wilaya", semble subitement mis au placard, s'il n'est pas carrément jeté à la "poubelle". Si l'on tient compte de la résonance de ce projet auprès de la population de Béjaïa et des interrogations suscitées, le voile mériterait d'être levé sur les raisons réelles de sa remise en cause d'autant plus que la dernière feuille de route fixée par la wilaya lors de l'ultime réunion, tenue le 20 avril en présence du secrétaire général du ministère de l'Environnement fixait la date butoir du 2 mai comme l'échéance pour la création et l'enregistrement par-devant notaire de la SPA Bougie Environnement et le démarrage des opérations au niveau du littoral à l'approche de la saison estivale. Faire oublier l'offre de Cevital ? D'aucuns ont même tenté de lier cette précipitation du moment à la seule volonté de faire barrage à l'offre écologique du patron de Cevital qui a proposé de consacrer une enveloppe d'un milliard de dinars pour le traitement des déchets de Béjaïa. Une offre qui ne peut se refuser à l'heure de l'austérité des financements publics et qui a été faite lors de la conférence sur l'hygiène et l'environnement, le 4 mars dernier, qui avait regroupé l'association des amis de la faculté de médecine et quatre autres associations dont celles activant dans le domaine de l'environnement. Depuis lors, le mutisme qui a frappé ce programme donne libre cours aux supputations de tous bords comme le changement de coopération avec l'ONG R20 déjà implantée à Oran dans le cadre d'un accord de coopération, donnant ainsi un sens à la conférence organisée par cette organisation le 3 avril passé à Béjaïa ou encore un hypothétique partenariat avec l'Epic de wilaya, qui ne doit plus être opérationnel, depuis la fermeture du CET de Sidi Bouderhem. En tout état de cause, si ce programme est définitivement sacrifié, la crédibilité des institutions risque de prendre un sérieux coup, au regard des nombreuses séances de travail ayant regroupé de hauts cadres de l'Etat et des collectivités locales, des déplacements d'experts effectués et des documents techniques produits, qui n'auront donc servi à rien. Il ne serait pas surprenant de voir ce projet, comme l'offre de M. Rebrab, se délocaliser sous d'autres cieux, laissant Béjaïa sans aucune autre alternative, mis à part les palliatifs habituels et les mêmes approximations, qui ne sont pas pour redorer son blason de propreté d'antan. Enfin, l'espoir reste de mise pour un environnement meilleur, et gageons sur une plus forte mobilisation associative et un sursaut de l'assemblée populaire communale pour confirmer sa puissance en matière de gestion des déchets. Par : Mouhoubi Allaoua Enseignant Universitaire