Des exploitants, engagés avec des investisseurs, cultivent des produits maraîchers. La production est essentiellement destinée à l'exportation. Le marché ciblé st celui de l'Union européenne. n vrai défi. À quelque 30 km à l'ouest de Mostaganem, se trouve un petit village presque oublié qui porte un nom pourtant historique, Benabdelmalek Ramdane. Il évoquent le déclenchement de la révolution en 1954. Ce village garde encore des traces de son passé colonial, lequel, comme son ancienne appellation, Ouilis, est toujours présent dans la mémoire des anciens, ses maisons de maître, vestiges de la vie aisée des colons et surtout ses caves et ses plantations de vignes à perte de vue qui ont fait la réputation de toute la région. Aujourd'hui, ce n'est pourtant pas cette vigne qui place cette commune sous les feux de l'actualité, mais ses cultures maraîchères qui mobilisent, depuis plusieurs mois, des dizaines de personnes qui ont fait le pari d'exporter leurs fruits et légumes vers l'Europe. Un petit challenge qui dénote beaucoup plus par un changement de comportement de “mentalité”. Ce projet d'exportation de produits maraîchers a démarré au mois de novembre 2004 par la création d'un partenariat entre un Français d'origine algérienne, spécialisé dans l'import-export, et un partenaire local chargé de la gestion et des agriculteurs de la région de Benabdelmalek Ramdane, Relizane et Sidi Lakhdar. Pour l'heure, il n'y a ni cahiers des charges ni conventions, qui lient les partenaires entre eux pour clarifier les clauses de leur relation commerciale. Néanmoins, les fellahs ont vu leur campagne d'ensemencement entièrement financée par les promoteurs privés, qui nous ont affirmé avoir investi près de 3 milliards de centimes pour fournir des équipements aux exploitants : système d'irrigation du goutte à goutte, paillage pour la plasticulture, stations de fertilisations, ainsi que les semences et les fertilisants. 50 ha sont exploités dans le cadre de ce projet d'exportation, dans un périmètre agricole composé essentiellement d'EAC et d'EAI. Certaines de ces exploitations étaient presque à l'abandon, sous-exploitées, en dépit des résultats du Pnda jugé satisfaisant (près de 4 milliards de DA ont été alloués au secteur agricole à Mostaganem dans le cadre du Pnda de 2000 à 2004). Les raisons d'une telle situation et des difficultés vécues par le secteur s'expliquent par plusieurs facteurs : difficulté de financement pour les fellahs en dépit des aides directes de l'Etat, des exploitants désignent directement les banques qui ne joueraient pas le jeu, en réclamant des garanties qu'ils ne peuvent fournir, le statut des terres, la non-maîtrise des techniques agricoles modernes, l'âge avancé des fellahs qui, en majorité, ont plus de 55 ans, etc. Ce qui fait dire d'ailleurs à l'un de nos accompagnateurs : “Il est compliqué d'amener des fellahs de 60 ans à suivre une formation de vulgarisation des techniques agricoles… Quant aux jeunes, ils sont réticents pour prendre la relève dans des conditions difficiles…” Les exploitants, au nombre de 8, qui se sont engagés avec les investisseurs, cultivent essentiellement des produits maraîchers, tels que la courgette, les haricots verts (10 serres à titre d'expérimentation ont été réalisées), des artichauts et du melon “le Cantalou”. La production est essentiellement destinée à l'exportation, ce qui suppose un respect strict des normes sanitaires et des calibres fixés par les clients. Ainsi, tous produits ne respectant pas au préalable ces exigences ou qui ont pu être endommagés lors de la récolte, ne pourront être exportés. “Un second choix”, nous disent nos interlocuteurs qui sera écoulé sur le marché local. Quant aux exploitants que nous avons rencontrés, tous ont clairement signifié ce qu'ils attendaient de ce partenariat “une amélioration de notre niveau de vie et de nos revenus”. D'autres exploitants de la région ont déjà signifié aux promoteurs du projet qu'ils souhaitaient être intégrés au programme. D'ailleurs, les investisseurs ambitionnent, dans un délai de 4 ans, de développer leur projet avec la mise en valeur de 400 à 500 ha de culture maraîchère dans la région de Benabdelmalek Ramdane qui bénéficie d'un microclimat idéal permettant une cueillette précoce. Un atout commercial de taille. Normes sanitaires Les deux opérations d'exportation qui ont été menées jusqu'ici, 7 tonnes de courgettes et plus de 3 tonnes d'artichauts, via le port de Ghazaouet-Almeria, puis Oran-Alicante, avaient surtout valeur de tests, compte tenu de la quantité limitée et espacée dans le temps. Pour les investisseurs, il s'agissait de mesurer si ces produits “made in Algeria” pouvaient franchir la barrière des douanes et surtout obtenir le “quitus” des services, très rigoureux, du contrôle sanitaire espagnol et français et de l'UE, en général. Jusque-là, le groupage et le conditionnement, avec une chaîne de froid ininterrompue, constituaient le point faible des exportateurs algériens. C'est à ce niveau aussi que de nouvelles méthodes de gestion et des investissements conséquents doivent être réalisés. La perspective de zone de libre échange avec l'Europe a déjà été intégrée par des investisseurs privés des deux côtés de la Méditerranée, puisqu'une société mixte algéro-française, dénommée Latal, vient d'être créée. Elle est spécialisée dans le groupage, dans le froid et le fret maritime et aura des installations au niveau du port d'Oran. Les responsables de cette société prospectent déjà auprès de producteurs et exportateurs locaux pour offrir leurs services. Création de postes d'emploi Quant aux promoteurs du projet de Benabdelmalek-Ramdane, conscients de cet aspect et de l'avantage à garder sur place la plus-value, ils ont réalisé une petite unité de conditionnement avec une chambre froide et 40 postes pour traiter les produits, selon les calibres exigés par les clients. Une douzaine de jeunes filles sont employées dans cette unité. Dans une région où les emplois féminins sont quasi inexistants, c'est une expérience unique que vivent ces jeunes femmes qui n'avaient jamais travaillé auparavant. Au départ, il a fallu convaincre leurs parents de les laisser travailler. Depuis, la situation a totalement changé, puisque les gestionnaires de l'unité de conditionnement ont reçu plus de 200 demandes d'emploi de jeunes filles issues de toute la région. Une révolution, presque… Quant à cette expérience d'exportation, qui reste pour l'heure limitée et ponctuelle, elle n'aura d'impact en terme économique que si les producteurs et leurs partenaires sont en mesure de satisfaire la demande européenne, en assurant de grandes quantités et en respectant les normes, alors même que le secteur agricole a fait l'objet de négociations particulières lors de la ratification de l'accord d'association avec l'UE. En effet, le démantèlement tarifaire n'interviendra que deux ans après l'entrée en vigueur de l'accord. F. B.