Farouk Ksentini a affirmé que la loi sur l'amnistie générale sera précédée par la tenue d'un référendum sur la question. Invité, hier, du Forum du quotidien arabophone El Youm, le président de la commission nationale des droits de l'homme, Farouk Ksentini, a fait de nouvelles révélations sur l'épineux dossier des disparus. Il a commencé par rappeler ce qu'il avait inlassablement clamé : “les institutions de l'état n'ont aucune responsabilité dans le cas des disparitions”, en ce sens “qu'elles n'avaient jamais toléré ni autorisé les abus (assimilés à des actes isolés, ndlr), mais elles étaient malheureusement dépassées par la situation”. De son avis, prétendre le contraire serait malhonnête. Il a soutenu, par la suite et sans transition, qu'il serait “très difficile, voire impossible d'identifier les auteurs des dépassements, car il n'existe pas d'archives ni de témoignages”. Il n'est, par ailleurs, plus question de la mise en place d'une commission “vérité et justice”, telle que souhaitée par les associations des familles de disparus. “En Afrique du sud, l'état persécutait des démocrates alors que l'Algérie combattait des terroristes. Suivre l'exemple sud-africain en installant une commission de réconciliation provoquerait une nouvelle fracture sociale”, a expliqué le conférencier. La parade est donc trouvée. Les plus hautes autorités du pays ne sont plus tenues d'engager des poursuites judiciaires contre les auteurs des exactions dès lors qu'ils ne sont pas connus. Sauf que la non- identification des véritables auteurs de ces exactions fera inévitablement peser la suspicion sur l'ensemble des éléments des corps constitués. “C'est justement là le problème. Mais nous n'y pouvons rien”, a regretté l'invité du quotidien El Youm. Certainement pour témoigner d'une bonne volonté de l'état, il a annoncé que le président de la République prendra, bientôt, une série de dispositions en faveur des familles des disparus. “Je n'en dirai pas plus, afin de laisser au chef de l'état le soin de les rendre publiques”, a-t-il commenté. La formation ad hoc, chargée d'enquêter sur plus de 6 000 cas de disparitions inexpliquées, a recommandé, néanmoins, dans son rapport remis au président Bouteflika le 31 mars dernier, d'expliquer les circonstances qui ont permis les violations des plus élémentaires droits humains puis de réhabiliter la mémoire des disparus, dont l'implication dans des actes terroristes n'a jamais été prouvée. La commission a suggéré, également, d'indemniser les familles des personnes disparues “sur la base de la responsabilité de l'état dans les actes illicites de ses agents”. Pour étayer ses propos, il a cité une disposition constitutionnelle qui fait obligation à l'état d'assurer la sécurité des citoyens. “Certains milieux nous accusent de vouloir acheter le silence des familles. C'est absurde. Nous avons situé cette indemnisation dans le cadre de la solidarité nationale”. Il a affirmé par la suite que plus de 77% des familles ont accepté, par écrit, de la prendre. Elles revendiquent, dans le même temps, de connaître la vérité sur le sort de leurs proches. Me Farouk Ksentini a beaucoup insisté sur l'impératif de trouver rapidement une issue définitive à l'affaire des disparus. “Tant que ce problème reste sans solution, la question des droits de l'homme en Algérie sera pendante”. L'occasion lui a été alors offerte pour assurer que la commission, qu'il préside depuis 2001, est réellement indépendante et n'a jamais subi de pressions des autorités, bien qu'elle soit financée par l'état. “Cet organisme a été installé sur recommandation des Nations unies. Il existe, dans le monde (dont la France et la Belgique) 70 organisations exactement identiques”. Le juriste a par la suite, fait un plaidoyer pour la politique de réconciliation nationale, en l'identifiant comme un véritable “projet de société”. Il a certifié que l'amnistie générale, “laissera intacts les droits des victimes du terrorisme. Elle n'affectera que les aspects pénaux”. Il a tenu à préciser que la démarche ne sera mise en œuvre que si le peuple l'approuve officiellement. “La loi sur l'amnistie générale sera précédée par la tenue d'un référendum sur la question”, a-t-il indiqué. S. H.