Pour les héritiers Ameyar, l'initiative de mettre La Tribune en liquidation judiciaire est dictée par le souci d'échapper à un audit qui pourrait mettre à nu "une gestion calamiteuse". Les héritiers de Kheireddine Ameyar montent au créneau. Ils ont saisi hier le juge des référés à l'effet de contester la procédure de fermeture du journal La Tribune et de s'opposer à la liquidation de la société éditrice, la Sarl Omnium Maghreb Presse, tel que demandé, il y a quelques jours, par deux associés minoritaires, à savoir Chérif Tifaoui et Djamel Djerrad, a-t-on appris, hier, lors d'une conférence de presse tenue au siège du Syndicat national des journalistes (SNJ) à la maison de la presse Tahar-Djaout et animée par Mme Taous Ameyar, veuve de Kheireddine, membre fondateur du journal La Tribune. Pour les héritiers Ameyar qui, notons-le, détiennent la majorité du capital social, soit 46%, cette demande est tout simplement "irrecevable" arguant d'un "vice de procédure" et du fait que les principaux associés, en l'occurrence les héritiers Ameyar, n'ont pas été impliqués dans ladite procédure. "Les associés minoritaires n'ont pas le droit d'arrêter le journal. Nous ne sommes pas à l'ère du non-droit. Il y a des lois dans notre pays qui se doivent d'être respectées. La reprise du travail doit se faire puisqu'il n'y a aucune décision de justice", s'est elle écriée. C'est pourquoi, les héritiers Ameyar, sûrs de leur bon droit, ne comptent pas en rester là, en introduisant notamment "une intervention volontaire" auprès du juge des référés pour faire partie précisément de cette action qu'ils souhaitent, par ailleurs, voir annulée. "Il était prévu après le décès de Bachir-Chérif de se mettre autour d'une table à l'occasion d'une assemblée générale extraordinaire pour désigner un gérant qui, lui, serait à même de demander un audit afin d'expertiser les comptes de la société." S'inscrivant en faux contre les déclarations de Tifaoui qui aurait laissé entendre que l'entreprise était "déficitaire", Mme Ameyar a révélé, hier, que les bénéfices de la société entre 2007 et 2011 s'élevaient à la bagatelle de 230 millions de dinars. "Pourquoi cet argent n'a-t-il pas été réinjecté dans l'entreprise ?", s'est-elle interrogée. À entendre Mme Ameyar, il s'agirait surtout d'une "affaire de gros sous". "Ce sont eux qui se sont mis en insolvabilité volontaire", a-t-elle jugé. Pour elle, il n'y a donc aucun doute que l'initiative de mettre La Tribune en liquidation judiciaire est dictée par le souci d'échapper à un audit qui pourrait mettre à nu "une gestion calamiteuse qu'on veut camoufler aujourd'hui par un dépôt de bilan". L'avocat des héritiers Ameyar, Me Salim Benhamouda, est longuement revenu, quant à lui, sur les procédures judiciaires qui auront duré, notons-le, plus de 16 ans. Au-delà des arguties juridiques et des subtilités du droit, il est à retenir que les héritiers Ameyar ont eu, finalement, gain de cause devant la justice, et ce, jusqu'en dernier ressort. "Nos droits ont été reconnus par la Cour suprême. Ils ne peuvent pas au mépris du respect d'une décision définitive de la justice être aujourd'hui ignorés." À signaler que la salle prêtée par le Syndicat national des journalistes (SNJ) s'est avérée, hier, trop exiguë pour contenir non seulement de nombreux journalistes, mais également une cinquantaine d'employés de La Tribune que nous avons trouvés dans une profonde détresse sociale. "Cette querelle entre associés n'est pas nouvelle et ne concerne pas directement les employés qui subissent aujourd'hui un lourd préjudice. Seuls les pouvoirs publics sont à même de régler cet imbroglio juridique", nous a confié, pour sa part, Moumène Belghoul, rédacteur en chef de La Tribune. Mohamed-Chérif Lachichi