Le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, a présenté hier devant l'Assemblée populaire nationale (APN) le projet de loi relatif à l'eau. D'emblée, le ministre a tenu à souligner que « si la loi apporte une réforme de fond du secteur, il n'y aura pas de privatisation », allusion faite aux articles relatifs au mode de gestion. Les dispositions en question introduisent la formule de la gestion déléguée que beaucoup d'observateurs considèrent comme un prélude à la privatisation du secteur. Au cours des débats, la plupart des députés ont axé leurs interventions sur cet aspect. Pour le chef du groupe parlementaire du Parti des travailleurs (PT), Djelloul Djoudi, le projet de loi relatif à l'eau constitue « un danger et risque d'avoir des répercussions néfastes sur la société ». De son point de vue, il s'agit « d'une privatisation pure est simple, l'Etat va se désengager de ce secteur. Il n'y a pas un pays dans le monde qui a suivi cette orientation ». D'après lui, cette loi devrait être examinée par le Conseil constitutionnel, car elle est en contradiction avec les articles 17 et 29 de la Constitution. Le représentant du PT a dénoncé, entre autres, la variation de la tarification selon les régions qui, selon lui, est une forme de discrimination. « On va donner ce secteur vital aux multinationales et ce sont eux qui vont définir les prix et la distribution », a-t-il déclaré également. Le PT compte contrecarrer l'adoption de ce projet de loi dans sa mouture actuelle. Ainsi, le parti de Louisa Hanoune va introduire une cinquantaine d'amendements à ce texte réglementaire qui risque d'embraser le front social « en allumant le feu de la fitna », selon M. Djoudi. Le groupe parlementaire du Mouvement pour la paix (MSP) va lui aussi proposer des amendements, a indiqué son vice-président, Fateh Guerd. Ce dernier a toutefois rapporté que le MSP ne s'oppose pas pour autant à ce projet de loi estimant que celui-ci est au diapason de la logique adoptée par le pays. Le MSP veillera à ce que « le droit minimum à la consommation » soit garanti, a-t-il signalé. Le groupe parlementaire du Front de libération nationale (FLN) a, pour sa part, exprimé des réserves concernant l'ouverture de la gestion au privé. D'après le FLN, « ouvrir la porte aux opérateurs privés (...) induira des répercussions sur la tarification qui va inévitablement augmenter limitant l'accès des citoyens » à l'eau. D'autres députés ont dénoncé le montant élevé des taxes incluses dans la facture. Plusieurs ont d'ailleurs interpellé Abdelmalek Sellal à ce sujet. Rencontré en marge de la plénière, le Pr Mekki Messahel, docteur d'Etat en hydraulique, a estimé que la nouvelle loi a « remplacé le droit d'accès à l'eau par le droit d'utilisation ». Si le projet de loi prévoit de tenir compte des paramètres sociaux en matière de tarification, c'est loin d'être le cas dans la réalité, a relevé cet expert. « Le tarif maximum de 6,30 DA est loin d'être un tarif social. Avec les taxes, il atteint les 26 DA », a-t-il soutenu. La consommation moyenne du précieux liquide de l'Algérien est de 600 m3 par habitant, selon M. Messahel alors que l'Organisation mondiale de la santé recommande un seuil minimum de 1000 m3. « D'ici à 2010, il sera de 400 m3 si la situation ne change pas » a-t-il averti. Il considère que l'adoption du mode de gestion de la concession devrait être progressive. Selon lui, il ne faut pas perdre de vue que « l'eau est un produit marchand et social ».