L'ancien chef de gouvernement constate non seulement la vacance du pouvoir, mais soutient qu'il y a un délitement institutionnel, d'où la difficulté, explique-t-il, d'appliquer l'article 102. Il a été le premier, en 2014, à avoir tiré la sonnette d'alarme, en évoquant la "vacance du pouvoir". Trois ans plus tard, s'il lui arrive de ne pas trop focaliser sur cette vacance, c'est parce qu'il considère que la situation s'est aggravée. "C'est plus grave que la vacance du pouvoir, il y a un délitement institutionnel. Les institutions ne peuvent plus jouer leur rôle." Ancien chef de gouvernement, aujourd'hui à la tête de la jeune formation politique, Talaïe El-Houriat, (Avant-gardes des libertés), Ali Benflis ne dissimule pas ses inquiétudes et ses préoccupations face à l'ampleur de la crise qui frappe le régime et, par conséquent, le pays. Et ce n'est pas le remplacement de Tebboune par Ouyahia, ni l'organisation des élections qui, à ses yeux, apporteront la solution. "La situation actuelle est préoccupante à plus d'un titre. Le jeu des chaises musicales auquel nous assistons ne peut masquer la réalité. Celle d'un pouvoir en déliquescence qui n'a d'autre issue que le paraître et l'approximation. La vacance du pouvoir, la crise de régime, la crise politique et institutionnelle ne peuvent constituer un mode de gouvernance. Elles ne peuvent légitimer des décisions et des politiques qui n'ont de justificatifs que le népotisme et le clientélisme, d'autres objectifs que le maintien du statu quo et de l'immobilisme", a affirmé, hier, Ali Benflis, lors d'une conférence de presse animée au siège de son parti à Alger. "Ces gesticulations politiciennes ne peuvent apporter de réponse véritable à la crise politique, à l'inertie et à l'illégitimité institutionnelle, au marasme économique. Elles ne peuvent répondre aux attentes des Algériens", ajoute-t-il. Selon lui, "le régime a vécu, il est fatigué et usé". En montant en épingle le délitement institutionnel, l'ancien candidat à l'élection présidentielle suggère que l'application de l'article 102 ne peut constituer une solution à la crise même s'il se refuse à "commenter" ceux qui en réclament l'application. "Moi je suis dans une autre démarche de sortie de crise." Il considère, dans ce contexte, qu'un "compromis entre toutes les parties" est nécessaire et appelle à un "dialogue qui implique toutes les parties". "Il est illusoire de croire que ce pouvoir qui a fait de sa survie sa seule priorité, s'engage dans un autre chemin que celui qui a conduit l'Algérie dans la situation alarmante et gravissime dans laquelle elle se trouve aujourd'hui. Nous devons impérativement démontrer qu'un autre chemin est possible (...). Nous œuvrons en ce sens. Et nous œuvrons avec tous ceux qui partagent notre vision et notre conviction que l'avenir de l'Algérie est lié au règlement de la crise politique globale. Qu'il ne peut se construire que dans la concertation et le dialogue. Qu'il ne peut apporter de véritables solutions qu'à travers le respect des uns et des autres", soutient-il avant d'ajouter : "Il n'y a pas de solution sans le règlement de la crise politique, sans de véritables réformes structurelles économiques et sociales. Sans un véritable dialogue qui implique toutes les parties (...)." Même s'il n'exclut personne du dialogue, il reste qu'il privilégie "ceux qui, réellement, penchent vers la sortie de crise" et semble rejeter le récent appel de Bouteflika dont il évite de citer le nom. "Oui pour le dialogue, mais qu'on définisse l'ordre du jour !", a-t-il dit par ailleurs. L'armée appelée à garantir une sortie de crise Et le rôle de l'armée ? S'il dit respecter "tous les avis" sur le sujet, Ali Benflis préconise que cette institution qu'il "salue" est appelée à garantir une sortie de crise dont il décline les grands axes contenus dans le programme du parti : installation d'une autorité indépendante pour l'organisation des élections, organisation d'élections libres, mise en place d'un gouvernement d'union nationale puis l'organisation d'une conférence nationale d'où sera issue une charte de gouvernabilité avant d'aller vers l'élaboration d'une constitution consensuelle. "La mission de l'armée est de garantir cette sortie de crise", dit-il. Interrogé sur la participation de son parti aux élections locales, Ali Benflis a affirmé avoir respecté le choix démocratique des militants même s'il est convaincu qu'il y aura fraude. Karim Kebir