Attendu sur la suite à ses écrits sur l'armée et sa charge contre le président Bouteflika, l'ancien ministre du Commerce, Nordine Boukrouh, vient de lancer une initiative pour le changement du système. Son initiative consiste en un appel à tous les Algériens à se rassembler autour de la nécessité de changer le système par des moyens pacifiques. Ni marches, ni armes, ni autres violences qui risquent de replonger le pays dans la tragédie des années 1990. Le mode d'emploi, énonce l'ancien président du parti le PRA, est le débat, le dialogue et le travail de proximité pour convaincre les Algériens d'adhérer à cette démarche. Ce rassemblement auquel il appelle s'articule autour de quatre mots d'ordre qui ont constitué les thèmes de ses dernières sorties médiatiques. Non au recours à la planche à billets pour payer les salaires ! Non à un cinquième mandat ! Non à une succession arrangée d'en haut ! Et enfin, non à l'instrumentalisation de l'ANP, des collectivités locales, des services de sécurité et de la justice pour pérenniser un pouvoir devenu illégitime et nuisible à l'intérêt du pays ! Le but est d'arriver à organiser des élections totalement transparentes et absolument sincères. "Une révolution citoyenne", intitule Boukrouh son initiative qu'il qualifie de révolution morale. "Une révolution morale est la prise de conscience, quand tout va mal et de travers, quand on sent qu'on est cerné par le danger et qu'on est sur une mauvaise route, qu'on doit changer sa vision des choses et de direction. C'est une prise de conscience collective et simultanée. On ressent alors le besoin de faire mieux, d'aller vers mieux, de construire un autre modèle de vie que celui qui a été sanctionné par l'échec. Une révolution citoyenne est le mode opératoire qu'on adopte pour changer pacifiquement l'état de choses en question. La communion dans un sentiment commun s'accompagne de l'évidence que nul ne peut, à lui seul, créer le changement, qu'il doit être l'œuvre du plus grand nombre possible et avoir pour finalité le bien de tous", a-t-il détaillé dans son appel. Cependant, précise-t-il, il ne s'agit pas de se soulever, évoquant les risques de dérapages vers la violence, mais de se lever. Une sorte de révolution pacifique, estimant que le peuple est mûr pour franchir ce pas. "On peut agir de concert sans se connaître, sans se rencontrer, sans se réunir, et par des procédés uniquement légaux et démocratiques. Il existe aujourd'hui des techniques plus efficaces que les armes, l'action clandestine ou les tracts pour faire connaître sa cause, convaincre les autres de sa justesse, en débattre et mobiliser autour d'elle", écrit Boukrouh. Cependant, au-delà de la situation du pays que l'ancien ministre décrit dans un sombre tableau porteur de dangers pour sa cohésion, une sorte de sursaut de patriotisme, il est difficile de déceler les motivations de l'ancien chef du PRA. Cela d'autant que dans une récente contribution dans la presse, il a exclu toute ambition politique personnelle. Cela d'autant aussi qu'il a souligné qu'il se dédouane d'appartenir à une quelconque chapelle politique. Lui qui s'est retiré de la vie politique depuis sa sortie du gouvernement. L'on se rappelle, néanmoins, le rôle qu'il avait joué dans la violente campagne contre le président Liamine Zeroual en prenant pour cible son ami et conseiller, le général Betchine. Boukrouh y a joué à la fois le rôle d'acteur et de témoin dans ce scénario estival de 1998 qui a conduit à la démission du président Liamine Zeroual et à l'organisation d'une présidentielle anticipée, trois mois après. Ce qui laisse planer le doute sur ses motivations quand bien même Boukrouh aurait pris, suivant ses écrits, ses distances vis-à-vis de la politique et des décideurs. Et l'on garde aussi de lui l'image de celui qui a qualifié le peuple algérien de "ghachi", peuplade, qui sous-tend une immaturité. À se demander sur quel critère s'est basé Boukrouh pour déterminer qu'aujourd'hui, le peuple algérien est mûr ! Djilali B.