Le geste alerte, fleurant toujours “la pêche”, Takfarinas, de son vrai nom Zermani Hacène, sera bientôt de retour sur la scène algérienne. Après 15 ans d'exil à Paris où il vit désormais, l'enfant de Tixeraine dans la banlieue d'Alger, marqué par la nostalgie mais loin d'avoir entamé son génie, entend retrouver son public dès le mois d'août prochain si, bien entendu, les autorités du pays consentent à accepter son gigantesque projet. “Je suis venu voir les algériens, ceux que j'ai connus, revoir mes amis et exposer mon projet”, confie-t-il, quelque peu ému, à Liberté qui l'a rencontré récemment à l'hôtel El- Djazaïr (ex-Saint-George). Celui qui s'est imposé comme l'une des figures de la world-music grâce à la yal, ce fond berbère marié à une espèce de “melting-pot” musical, fait du reggae, funk, la soul et prépare une série de concerts à la dimension de sa réputation. Rien que pour les besoins de sa tournée prévue au début d'août, il mobilise pas moins de 40 musiciens, 80 choristes, 50 techniciens, 14 danseurs, 14 semi-remorques de matériel, 30 tonnes de structures, 2 scènes complètes de plus de 500 mètres carrés chacune, une unité de production électrique, 2 écrans à Led dernière technologie et des effets spéciaux. “J'ai envie de faire une grande tournée qui n'a jamais été faite”, dit-il. Un défi qu'il veut réussir pour le peuple, son peuple, celui qui l'a toujours porté dans le cœur et auquel il n'a jamais cessé de rendre un hommage. “Ce concert, je veux le faire pour le peuple algérien”, soutient-il comme pour s'excuser de cette longue absence qui l'a contraint à se produire uniquement à travers de nombreux coins dans le monde. Et comme les artistes de sa trompe, Takfarinas a demandé pour les besoins de ce show grandiose le stade du 5-Juillet, les stades de Tizi Ouzou, celui de Béjaïa, Bouira, Batna, Annaba et Oran. “Le projet est ficelé, on a vu tous les organismes d'Etat dont le ministère de la culture, et on attend la réponse.” Il faut dire que la mise en place d'un tel show nécessite une maîtrise parfaite, un défi auquel il est souvent habitué. Grâce au concours de Thierry Pélissier, rompu à l'organisation des spectacles, le dispositif scénique retenu est de type frontal scène-public avec une scène de plus de 15 mètres d'ouverture par 18 mètres de profondeur. De chaque côté de la scène, seront installés des podiums capables de recevoir 40 choristes chacun. Egalement de chaque côté de la scène seront disposés deux écrans lumineux géants permettant de retransmettre des images filmées, sorte de petits documentaires qui accompagneront chaque chanson. Bref, un spectacle grandiose que les algériens n'ont pas eu la chance de voir jusque-là. Mais toute cette entreprise dépend de la réponse qu'auront à donner les autorités, lesquelles, il est utile sans doute de le rappeler, ont cassé la tirelire pour des artistes de moindre envergure. Celui qui a eu le prix en 2000 du meilleur artiste de l'Afrique du nord des mains d'un certain Michael Jackson, en présence de Nelson Mandela, attend donc juste la réponse des pouvoirs publics à son projet pour entamer les répétitions dès le mois de juillet. Même s'il refuse de révéler le montant du cachet exigé, Takfarinas souhaite aussi, un voeu somme toute raisonnable pour celui qui constitue l'un des meilleurs ambassadeurs de la chanson algérienne, que les autorités assurent la prise en charge de son équipe autant dans le transport, l'hébergement, la sécurité que la promotion du concert. Auteur de 14 albums dont le dernier de 29 titres honneur aux dames qu'il dit “non encore exploité”, celui qui se rappelle des encouragements d'un autre artiste, non moins géant de la chanson Kabyle, Idir, veut faire partager sa joie avec son pays d'origine et sa Kabylie ancestrale. C'est d'ailleurs avec cette hâte des retrouvailles qu'il évoque les souvenirs de ses débuts avec Boudjemâa Semaouni du groupe Agraw, dont il dit qu'il entretient toujours avec lui de bons rapports. Il faut dire que le dernier spectacle de Takfarinas remonte au début des années 1990 à la Coupole du 5-Juillet. Ce jour-là, certains puristes n'avaient pas manqué de relever une “fausse note”, alors qu'il jouait une chanson mais dont le public ne s'était pas rendu compte. “Y avait des rumeurs de l'existence d'une bombe…”, révèle Takfarinas. C'était une autre époque… K. K.