Une vive opposition s'est déclenchée contre le projet de loi antiterroriste du gouvernement, actuellement en débat à l'Assemblée française, qui l'a qualifié d'"état d'urgence permanent visant la réduction des libertés et droits fondamentaux". Lundi, alors que le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, tentait de convaincre les députés, à majorité présidentielle, de la justesse et de la nécessité de cette loi, qui devra remplacer, le 1er novembre, l'état d'urgence, décrété au lendemain des attentats terroristes de novembre 2015, Amnesty International a appelé les parlementaires à "rejeter" ce texte. "Si elle est adoptée, cette loi accordera aux autorités des pouvoirs draconiens pour restreindre les droits, sans que des garanties suffisantes contre les abus aient été mises en place", a indiqué cette ONG dans un communiqué. Le projet de loi en question, qui soulève autant d'inquiétudes auprès des associations des droits de l'homme, des politiques et des hommes de droit, est considéré par de nombreux professeurs de droit comme une "perfusion" de l'état d'urgence, du fait qu'il confie de manière permanente aux préfets et au ministre de l'Intérieur le pouvoir d'assigner des personnes dans un "périmètre géographique déterminé", et de perquisitionner de jour comme de nuit. Il vise à transposer dans le droit commun certaines mesures de l'état d'urgence telles les perquisitions, les assignations à résidence et les fermetures administratives de lieux de culte (mosquées). Depuis l'instauration de l'état d'urgence, 17 lieux de culte musulman ont été fermés, dont 9 le sont encore à ce jour, selon le ministre de l'Intérieur. Plusieurs organisations ont dénoncé ce projet de loi, dont la présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, Christine Lazerges, qui a estimé que "c'est un état d'urgence qui deviendrait permanent et ferait régresser nos libertés". Pour sa part, Laurence Blisson du Syndicat de la magistrature (SM) a indiqué que "si le texte devait être voté, nous estimons indispensable qu'il soit examiné par le Conseil constitutionnel". L'avocat Henri Leclerc de la Ligue des droits de l'homme a, quant à lui, estimé que les hommes de droit se trouvent "face à une situation étrange", soulignant qu'"on supprime l'état d'urgence pour mieux le pérenniser". Pour la majorité des opposants, le texte soumis aux parlementaires porte atteinte à des libertés fondamentales telles que la présomption d'innocence, le droit à une procédure judiciaire équitable, le droit d'aller et de venir, de manifester, le droit au respect de sa vie privée, à la liberté d'expression ou à celui de ne pas être discriminé. Vantant son texte devant les députés, Gérard Collomb a affirmé le contraire des propos avancés par ses opposants, soulignant qu'il vise à garantir la plénitude des libertés individuelles et collectives des Français pour garantir leur sécurité. La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon s'est rangée du côté des opposants à ce projet de loi, ce qui a fait dire à l'un de ses députés que cette loi conduira la France dans une situation qui est celle de l'Ukraine ou de la Turquie, des Etats, a-t-il expliqué, qui ont transformé un état d'exception en état permanent. Cependant, il est certain que le projet n'aura aucune difficulté à passer à l'Assemblée, dont la majorité appartient à La République en marche, mouvement fondé par l'actuel président Emmanuel Macron, mais pourrait, selon certains observateurs politiques, subir quelques légers amendements au Sénat qui vient d'être élu mais a conservé sa majorité de droite. Pour rappel, outre Amnesty International, ACAT-France, le Collectif contre l'islamophobie en France, Human Rights Watch, la Ligue des droits de l'homme, la Quadrature du Net, l'Observatoire international des prisons (section France), Reporters sans frontières, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature font partie des organisations qui ont dénoncé cette loi. R. I./Agences