Au lendemain de la déclaration de Carles Puigdemont, l'Espagne ne veut pas entendre parler d'indépendance de la Catalogne, et menace de d'appliquer l'article 155 de la Constitution, l'autorisant à reprendre le contrôle de cette région. "De la réponse du président (...) à cette demande dépendra la suite des événements dans les prochains jours", a affirmé hier le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, qui menace tout simplement de suspendre l'autonomie de la Catalogne. C'est une nouvelle escalade de la crise entre la Catalogne et Madrid, qui refuse toute négociation. Mariano Rajoy a enjoint à Carles Puigdemont de revenir à la légalité, faute de quoi il utiliserait pour la première fois l'article 155 de la Constitution, qui lui permet de suspendre l'autonomie d'une région. Les explications fournies hier matin par le porte-parole du gouvernement catalan, Jordi Turull, qui a rappelé que "le président (Puigdemont) a dit qu'il suspendait les effets de l'indépendance, de la loi de transition (vers l'indépendance, ndlr) pour pouvoir nous asseoir, écouter, dialoguer, voir s'il y a un moyen de trouver un accord", ne semblent pas avoir été prises en compte par l'exécutif espagnol. Il y a lieu de dire que Mariano Rajoy avait déjà averti qu'en cas de déclaration d'indépendance, quelle qu'elle soit, immédiate ou différée, le gouvernement pourrait suspendre l'autonomie de la région. La suspension de l'autonomie, sans précédent depuis 1934, serait considérée par beaucoup de Catalans comme un affront et pourrait déclencher des troubles dans cette région très attachée à sa langue et sa culture et dont l'autonomie a été rétablie après la mort du dictateur Francisco Franco (1939-1975). Outre la suspension de l'autonomie, le gouvernement espagnol a plusieurs instruments à sa disposition. Ayant déjà pris le contrôle des finances de la région en septembre, il peut aussi instaurer un état d'urgence allégé lui permettant d'agir par décrets. Une arrestation de Carles Puigdemont et son entourage dans le cadre d'une enquête judiciaire déjà ouverte pour sédition n'est pas exclue. Pour rappel, les dirigeants indépendantistes de Catalogne se sont appuyés mardi sur la victoire du "oui" à l'indépendance au référendum d'autodétermination interdit et contesté du 1er octobre - avec 90% des voix et une participation de 43% - pour signer une déclaration d'indépendance de la République de Catalogne. Le référendum, dont les résultats sont invérifiables faute de commission électorale indépendante, a ouvert la crise politique la plus grave en Espagne depuis son retour à la démocratie en 1977, divisant ainsi profondément les habitants de la Catalogne, où vivent 16% des Espagnols. L'Espagne se considère en position de force suite au soutien de l'Union européenne, laquelle déjà secouée par le Brexit, a réitéré hier son appui à Madrid par le biais de la Commission européenne. Cette dernière a rappelé avec force qu'elle attendait "un plein respect de l'ordre constitutionnel espagnol". Merzak Tigrine