La crise entre le gouvernement espagnol et les dirigeants indépendantistes catalans est montée d'un cran, après le placement en détention de deux de leurs leaders pour "sédition". Inévitablement, des milliers de Catalans sont descendus dans la rue hier pour protester contre cette décision judiciaire. Des milliers de Catalans sont descendus dans la rue hier contre la mise en détention de deux importants responsables indépendantistes inculpés de sédition, alors que la crise entre Madrid et les séparatistes est de plus en plus aiguë. À midi, des milliers d'employés ont quitté sous un ciel bleu leur poste de travail à Barcelone et dans d'autres villes pour se masser en silence dans la rue, quelques minutes, le temps de réclamer "la libération des prisonniers politiques". Le président séparatiste catalan Carles Puigdemont et la maire de Barcelone Ada Colau ont fait de même. Ces manifestations interviennent après que la justice espagnole a décidé lundi soir l'incarcération de Jordi Cuixart et Jordi Sanchez, qui dirigent respectivement les deux principales associations indépendantistes de Catalogne, Omnium Cultural et l'Assemblée nationale catalane (ANC). Jordi Cuixart et Jordi Sanchez, les "deux Jordi" comme les surnomme la presse espagnole, appartiennent au noyau dur des responsables indépendantistes qui, aux côtés de Carles Puigdemont, ont planifié le référendum. La magistrate a estimé qu'ils risquaient de "détruire des preuves" et "récidiver", soulignant qu'ils appartiennent à un "groupe organisé" dont le but est de rechercher "en dehors de la légalité" l'indépendance de la Catalogne. Avant d'être placé en détention, Jordi Cuixart a enregistré une vidéo où il lance un appel à la "sérénité", en précisant que, s'il le faut, son organisation travaillera "dans la clandestinité", mais de manière pacifique. Il s'agissait du dernier soubresaut de la crise opposant les séparatistes au pouvoir en Catalogne, une région où vivent 16% des Espagnols, aux institutions espagnoles, les premiers menaçant de déclarer l'indépendance de manière unilatérale. Bien que la société catalane soit divisée presque à parts égales sur l'indépendance, ils estiment que leur cause est légitimée par le référendum interdit du 1er octobre, qu'ils disent avoir emporté avec 90% des voix et 43% de participation. "L'Etat espagnol a d'abord privé les gens de leur droit et maintenant il les prive aussi de leur liberté", s'insurgeait hier Carme Güell, une esthéticienne de 62 ans qui a manifesté sa colère par un silence de 15 minutes sur une avenue du centre de Barcelone. "L'existence de prisonniers politiques n'a pas sa place aujourd'hui dans l'Union européenne", a dénoncé Ada Colau. Pourtant opposée à une déclaration unilatérale, elle a dénoncé une "judiciarisation de la vie politique" en Espagne. D'autres rassemblements devant les préfectures étaient annoncés pour la fin de la journée d'hier. Il y a lieu de rappeler que le délai accordé par Madrid à Carles Puigdemont pour qu'il renonce officiellement à ses desseins séparatistes s'épuise : il a jusqu'à jeudi à 10h00 (8h00 GMT). S'il ne recule pas, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy pourrait suspendre totalement ou partiellement l'autonomie de la Catalogne, au risque d'agiter encore la rue. Pendant ce temps, Carles Puigdemont laisse planer la menace d'une déclaration unilatérale d'indépendance. Mais Mariano Rajoy continue à refuser tout dialogue tant que les séparatistes ne lèveront pas cette menace. Merzak T./Agences