Les amis, proches, famille, lecteurs de l'écrivaine se sont donné rendez-vous, samedi, au Théâtre régional de la ville, pour rendre hommage à cette femme exceptionnelle, partie prématurément à l'âge de 32 ans. Un vibrant hommage a été rendu, samedi dernier, au Théâtre régional de Béjaïa, à l'écrivaine Dihya Lwiz, de son vrai nom Louisa Aouzelleg. Organisé par le café littéraire de Béjaïa en collaboration avec les associations Horizons et Timeghal d'Ouzellaguen et le comité du village Ighil Oumced d'Ichellaten (daïra d'Akbou), cette rencontre était l'occasion de revisiter l'œuvre et le parcours de l'écrivaine, dont nombreux ne connaissent pas les différentes facettes de cette femme exceptionnelle, partie prématurément à l'âge de 32 ans. Le public, venu nombreux, a écouté religieusement les témoignages de sa famille, de ses ami(e)s du café littéraire où elle officiait depuis 2012 et de l'université de Béjaïa où elle était doctorante en gestion (marketing) et chargé de TD. Les présents avaient eu la gorge nouée après avoir écouté le témoignage de sa mère devant la grand-mère de Dihya, présente dans la salle mais aussi de son fiancé et de son frère. Mais étonnamment celui qui avait arraché des larmes au public, après son témoignage, est l'enseignant en économie, Mourad Ouchichi, qui l'a fait venir au café littéraire après avoir découvert l'écrivaine et bien plus tard la doctorante, qui avait fait ses études à la faculté des sciences économiques et de gestion. "Je ne l'ai pas eu comme étudiante. Et j'avoue que je ne l'ai jamais remarquée. Il faut dire que même ses enseignants disent aujourd'hui qu'ils ne se souviennent vraiment pas d'elle tellement elle était discrète." Quand elle a rejoint le café littéraire, elle avait pris en charge le volet comptabilité et elle a travaillé jusqu'à la fin en dépit de sa maladie, handicapante notamment après les séances de chimio, qui la lessivait littéralement. Elle était aussi fidèle en amitié, témoignera Mourad Ouchichi : "Un jour, je n'étais pas dans mon assiette ; il y a des jours comme ça et ça arrive à tout le monde. J'avais échangé avec elle par Messenger. Une demi-heure ou trois quarts d'heure après, je la vois débarquer dans mon bureau. Elle avait quitté son boulot, pris deux bus pour arriver à l'université. Elle voulait me réconforter moralement..." Et d'éclater en sanglots alors que Mourad est plutôt réservé, voire timide. Son fiancé avait indiqué qu'avec les séances de chimio, l'inspiration, qui était sa marque de fabrique, se faisait désirer. "Et j'ai compris que c'était son carburant à elle. L'écriture, c'était sa vie. Elle n'existait que pour l'écriture. L'argent ne la motivait pas. L'important est que l'inspiration soit là. Elle s'impose un rythme pour finir son histoire. Elle n'est contente que quand le livre est enfin sorti.» Mais la mélancolie est tout de suite au rendez-vous. "Elle est envahi par la tristesse..." Sans donner plus d'explication. Est-ce que parce que l'œuvre lui échappe dès lors qu'elle est publique ? Ou tout simplement en raison de la quête de la perfection... Il n'y a plus moyen d'y ajouter quoi que ce soit. Une enseignante de l'université, qui a analysé son œuvre en arabe, dira d'elle qu'en dépit de sa jeunesse, "elle était une écrivaine accomplie et il n'y avait aucune haine dans son écriture bien qu'elle aborde des sujets politiques et polémiques". Elle n'a pas manqué de déplorer l'absence du ministre de la Culture car l'apport de cette très jeune écrivaine de 32 ans, à la littérature algérienne et pour dresser des ponts entre les régions et les âges. "Ne serait-ce que pour cela, il fallait y être présent." Elle était l'auteur de deux romans en langue arabe : l'un publié chez Tira Editions de Brahim Tazaghart et l'autre coédité par deux maisons d'édition : El-Ikhtilef en Algérie et un éditeur libanais. Son troisième roman posthume, en tamazight, avec lequel elle avait obtenu le prix Mohammed-Dib 2016, Ger igenni d tmurt (entre ciel et terre), a été mis à la disposition du public. Dihya Lwiz avait la particularité de passer allègrement de l'arabe vers tamazight et de tamazight vers le français sans aucun problème. Elle maîtrisait parfaitement ces trois langues. C'était aussi une femme très engagée politiquement puisqu'elle faisait partie de toutes les luttes pour les libertés. Le public s'est rendu ensuite à la place de la Liberté Saïd-Mekbel pour y allumer des bougies à la mémoire de la défunte. Le café littéraire de Béjaïa portera désormais son nom. M. Ouyougoute