Dans le cadre de la 22e édition du Salon international du livre d'Alger (Sila), qui se tiendra du 26 octobre au 5 novembre, les maisons d'édition algériennes proposeront différentes nouveautés qui viennent de sortir de l'imprimerie. À cette occasion, voici une petite présentation des dernières publications des Editions Barzakh. Essais L'UDMA et les Udmistes. Contribution à l'histoire du nationalisme algérien (520 pages) de Malika Rahal. L'apport de l'UDMA (Union démocratique du manifeste algérien) au mouvement nationaliste a toujours été minimisé par l'histoire dominante. Le parti n'aurait été qu'un "rassemblement" – cristallisé autour de la figure charismatique de Ferhat Abbas – de notables, laïcs, francophones, sourds à "la mystique de la rupture", ayant échoué à conduire pacifiquement l'Algérie à l'indépendance. Autant de préjugés que, dans ce livre exhaustif, l'historienne Malika Rahal démonte avec rigueur. Elle y retrace ses dix ans d'existence (1946-1956), en décrit la culture politique spécifique, et étudie les références historiques, philosophiques ou religieuses, les valeurs morales et politiques, le vocabulaire, les rituels, les sociabilités, les trajectoires individuelles de ce parti tout entier organisé autour de son journal, Egalité-La République algérienne, pour révéler l'épaisseur humaine d'une structure partisane. Malika Rahal est chercheuse à l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS, Paris). Spécialiste de l'histoire de la colonisation, elle travaille désormais sur la vie politique dans l'Algérie indépendante. Elle est l'auteure de Ali Boumendjel - Une affaire française, une histoire algérienne (Barzakh, 2011). Prix : 1200 DA
Le nationalisme arabe radical et l'islam politique. Produits contradictoires de la modernité (288 pages) de Lahouari Addi. Dans cet ouvrage, Lahouari Addi tente de cerner l'histoire et l'héritage politiques du nationalisme arabe radical, démontrant au passage que celui-ci était, dès l'origine, porteur de limites idéologiques qui l'ont empêché de développer l'économie et de moderniser la culture. Si les régimes révolutionnaires promettaient bien le développement économique et social, et se fixaient pour but l'unité des nations arabes, ils n'avaient pourtant pas pris la mesure de certaines transformations sociales, comme l'exigence de la liberté de parole, ce qui explique qu'ils aient fini par perdre toute crédibilité. L'auteur établit un lien créatif entre passé et présent tout en s'interrogeant sur l'avenir des pays arabes : l'islam politique est-il l'héritier du nationalisme arabe radical ? Si l'islam politique s'enracine, fera-t-il face aux mêmes défis que le nationalisme arabe radical ? Lahouari Addi est professeur de sociologie à l'Institut d'études politiques de Lyon et a été chercheur associé au Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle (Crasc) d'Oran. Il est l'auteur de plusieurs publications consacrées à l'Afrique du Nord et l'islam politique. Prix : 800 DA.
Romans Nos richesses (214 pages) de Kaouther Adimi. Un soir, Ryad, 20 ans, étudiant à Paris, arrive à Alger ; il se rend au 2 bis de la rue Hamani, ex-Charras, avec les clés des Vraies Richesses, minuscule librairie délabrée : sa mission est de faire place nette. Il s'y attelle sans états d'âme, lui que les livres indifférent, mais c'est compter sans le vieux Abdallah, gardien du temple, qui va progressivement l'initier à la magie du lieu. Ce roman, où alternent le journal (fictif) d'Edmond Charlot et le quotidien d'une rue algéroise en 2017, explore intelligemment l'épineuse question de la transmission d'un héritage. Il y a d'ailleurs ce "nous" qui court tout le long du texte, telle la voix d'une conscience, celle d'une mémoire collective nous engageant, nous lecteurs, à transformer cette fiction en fragment de notre histoire... Née en 1986 à Alger, Kaouther Adimi vit à Paris. Son premier roman, Des ballerines de papicha (Barzakh, 2010), a été repris chez Actes Sud en 2011 sous le titre "L'Envers des autres" ; le suivant, Des pierres dans ma poche, a été publié en 2015 aux Editions Barzakh, puis au Seuil en 2016. Prix : 600 DA.
Zabor ou les psaumes (332 pages) de Kamel Daoud. Dans un village reculé, entre désert et forêt, Zabor, orphelin d'une mère répudiée, rejeté par son père, vivant avec sa tante perdue dans ses rêves et un grand-père aphasique, se découvre le don prodigieux de pouvoir prolonger la vie des autres par le simple fait d'écrire. Ironie du sort, il est, un soir, appelé au chevet de son père mourant... Dans un jeu subtil de mise en abîme permanent, Kamel Daoud nous promène et nous égare dans son panthéon littéraire où figurent aussi bien les livres sacrés – source d'une quête infinie – que Les Mille et Une Nuits ou L'Île au trésor. En écrivain-démiurge, il déploie avec grâce et lyrisme une poétique singulière, reposant in fine la plus ancienne des questions : "Peut-on sauver le monde par un livre ?". Kamel Daoud a été journaliste au Quotidien d'Oran où il a tenu la chronique "Raïna raïkoum". Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont le recueil de nouvelles La Préface du nègre (Barzakh, 2008) pour lequel il a reçu le Prix Mohammed Dib. Son roman Meursault, contre-enquête (Barzakh, 2013/Actes Sud, 2014) lui a valu une reconnaissance internationale et de nombreux prix, dont le Goncourt du premier roman. Prix : 1000 DA.
L'enfant de l'œuf (234 pages) de Amin Zaoui. Harys, le narrateur, est un bon chien, un caniche qui aime son maître, Mouloud, alias Moul, sa vie chahutée de jouisseur, son anticonformisme et sa voix quand il chante Cheikha Remiti ou Jacques Brel. Ils habitent Alger, et Moul a pour amante une chrétienne réfugiée de Damas, sensuelle Lara, à l'âme bouleversée par la guerre. Insolent et malicieux, tel est L'Enfant de l'œuf, dixième roman d'Amin Zaoui où l'auteur, avec une fantaisie décalée qui ne sacrifie rien à l'érudition, s'en prend systématiquement à toutes les formes d'autorité, au nom de la liberté. Ecrivain bilingue, Amin Zaoui est l'auteur de nombreux ouvrages traduits dans une dizaine de langues, notamment Sommeil du mimosa (Le Serpent à plumes, 1998). Plusieurs de ses romans ont paru aux éditions Barzakh, notamment Festin de mensonges (2007), Le Dernier Juif de Tamentit (2012) et Le Miel de la sieste (2014). Prix : 700 DA.
La soif (182 pages) d'Assia Djebar. "Manifestation de l'intime et de l'émoi amoureux, La Soif irrigue toute l'œuvre d'Assia Djebar jusqu'à Nulle part dans la maison de mon père, son ultime expression offerte au public. (...) Si on prête attention à la destinée de sa formule préférée, ‘Ecrire, c'est vivre doublement', on voit comment ce roman-source fait intrusion dans ses textes et en dessine les plus beaux reliefs." Beïda Chikhi, extrait de la postface. Assia Djebar a 21 ans lorsqu'elle publie son premier roman La Soif, à Paris, aux éditions Julliard. Ce titre vaut à Assia Djebar une reconnaissance immédiate. Cependant, parce qu'il met en scène une jeune Algérienne hédoniste, Nadia, à l'oisiveté un peu mélancolique, alors que la guerre d'Indépendance y est à peine évoquée, le roman suscite aussi la controverse. 60 ans après sa parution, ce court texte d'une jeune romancière frappe encore par sa singulière beauté et signe l'entrée magistrale en littérature d'une grande écrivaine. Cette réédition d'un texte depuis longtemps introuvable est accompagnée d'une postface de Beïda Chikhi, universitaire spécialiste de l'œuvre d'Assia Djebar. Prix : 700 DA.
Boulevard de l'abîme (216 pages) de Nourredine Saâdi. Une femme d'origine algérienne est retrouvée morte dans son appartement à Paris. Tout porte à croire qu'il s'agit d'un suicide mais l'inspecteur chargé de l'enquête, fasciné par cette femme, fouille le carnet où elle retranscrit ses séances de psychanalyse et ses rêves. Il reconstitue peu à peu le puzzle de sa vie et toutes les pièces le ramènent à son passé à lui, lorsqu'il était engagé, en tant qu'appelé, dans la guerre d'Algérie. Un souvenir en particulier lui revient : la vaste campagne de "fraternisation" avec la population à laquelle il a, malgré lui, participé et qui a tourné au cauchemar. Entre polar et récit historique, Boulevard de l'abîme est avant tout un roman d'introspection, en quête, à chaque ligne, de la (ou des) vérité(s). Nourredine Saâdi a fait ses études à Alger où il devient professeur de droit. En 1994, il quitte l'Algérie pour la France et s'installe à Douai où il enseigne à l'Université d'Artois. Il est l'auteur de plusieurs livres, parmi lesquels La Maison de lumière (Albin Michel, 2000), La Nuit des origines (Barzakh, 2005) ainsi que Houria Aïchi, dame de l'Aurès (Chihab, 2013). Prix : 600 DA.
1994 (352 pages) de Adlène Meddi. 1994 : c'est l'année où tout bascule pour quatre jeunes lycéens d'El-Harrach. Le pays est à feu et à sang, lorsque ces adolescents décident de former, avec leurs propres moyens, un groupe clandestin de lutte antiterroriste. 2004 : on retrouve deux d'entre eux, Amin et Sidali, dont les pères, Fares et Zoubir (général au sein des services spéciaux), ont eux aussi fait partie, pendant la guerre de Libération, d'un même réseau de résistance. Amin, interné à l'hôpital psychiatrique de Blida, est placé sous surveillance, Sidali, arrêté par les services. Dix ans après les premières actions du groupuscule, leur cas intéresse encore Aybak, le terrifiant ex-coéquipier de Zoubir... Dans ce roman dense et puissant, à travers des personnages aussi emblématiques que complexes, Adlène Meddi raconte les deux guerres qui ont marqué le pays et qui imprègnent encore si intensément notre présent. Adlène Meddi a fait des études de journalisme (Alger), puis de sociologie à l'EHESS de Marseille. Journaliste au quotidien El Watan, il collabore avec divers médias, dont Le Point et Middle East Eye. Auteur de deux romans à Barzakh, Le casse-tête turc (2002), La prière du Maure (2008), il a coécrit Jours tranquilles à Alger : chroniques (Riveneuve, 2016). Prix : 900 DA.