À travers son film Les balles du 14 juillet 1953, sorti en 2014, puis son livre édité sous le même titre en 2017 chez La Découverte, Daniel Kupferstein apportera de nombreuses réponses sur cette date, où plusieurs Algériens ont trouvé la mort dans les rues de Paris. Les Algériens connaissent le 17 octobre comme date marquante de la guerre d'Algérie, mais ignorent tout du 14 juillet 1953. Certains penseront peut-être à la fête nationale française, et ils n'auront pas tort. Mais l'événement est surtout lié à la longue lutte du peuple algérien pour son indépendance. Les autorités françaises de l'époque avaient tout fait pour en minimiser l'ampleur et la portée historique. De quoi s'agit-il ? C'est Daniel Kupferstein qui va apporter les réponses, d'abord à travers son film Les balles du 14 juillet 1953, sorti en 2014, puis son livre édité sous le même titre en 2017 chez La Découverte. L'écrivain et surtout cinéaste français va sortir l'événement de l'oubli. Lors de la projection du film au CCA de Paris, l'assistance découvrira l'horreur d'un massacre méconnu. Le 14 juillet 1953, soit près de 15 mois avant le déclenchement de la révolution de Novembre, les Algériens, comme chaque année, défilent à l'occasion de la fête nationale française, aux côtés des mouvements syndicaux et politiques de gauche. En cet après-midi du 14 juillet, il faisait très beau à Paris et la manifestation s'annonçait sous de bons auspices. Le MTLD a ratissé large, si bien que le tiers de la foule était composé d'Algériens très bien organisés et encadrés par des militants chevronnés. Ils marchaient, comme de tradition, derrière les troupes de la CGT et du Parti communiste français qui soutenaient le combat des Algériens pour l'égalité des droits. Lorsque le cortège s'ébranla de la Bastille à 16h en direction de la place de la Nation, rien n'annonçait qu'un drame se préparait, d'autant plus que ce n'était pas la première manifestation pour les Algériens, dont beaucoup portaient ce jour-là le costume-cravate, comme pour afficher leur sérieux et leur discipline. À hauteur de la place de la Nation, la police a commencé à arracher les banderoles et surtout le drapeau algérien que déployaient les marcheurs. C'était manifestement une provocation, puisque, lors des échauffourées, la police tira rapidement sur la foule, laissant 7 morts et des dizaines de blessés sur le sol. Tous les témoins interrogés par Daniel Kupferstein lors de son enquête ont souligné la brutalité de la police qui tirait délibérément sur les Algériens. L'Assemblée nationale, les autorités et la justice françaises retiendront la thèse de la légitime défense et enterreront l'affaire, avec la complicité des médias de l'époque, à l'exception de quelques journaux proches de la CGT et du Parti communiste. Très peu d'historiens – des deux côtés d'ailleurs – évoqueront cet événement qui a fini par tomber dans l'oubli, prenant l'aspect d'un crime impuni. En faisant parler d'anciens policiers, syndicalistes et des Algériens présents, témoins oculaires, l'auteur dépoussière l'histoire et révèle au monde qu'il s'agissait d'un crime colonial perpétré contre des manifestants pacifiques qui revendiquaient leurs droits. Original, Kupferstein s'est rendu 61 ans après à Tigzirt, Guenzet, Tazmalt, Amizour, Nedroma et Aïn Sefra pour voir les tombes des victimes et écouter les familles et les témoins encore vivants. Il a également évoqué la mémoire du Français – un militant de la CGT – tombé ce jour-là sous les balles de la police. Pour le cinéaste, le massacre du 14 juillet 1953, après ceux du 8 mai 1945, envoyait un message clair aux Algériens : leurs revendications politiques et pacifiques rencontrent le mépris, pour ne pas dire le racisme et la violence. Alors, autant utiliser eux-mêmes la violence révolutionnaire pour arracher leurs droits. C'est la réponse apportée par les hommes qui ont déclenché le 1er Novembre 1954. De Paris : Ali Bedrici